Chaque mois, Laure Albernhe, l’animatrice des Matins Jazz sur les ondes de TSF JAZZ, rencontre un musicien inspiré par les arts visuels. Ce mois-ci un entretien avec Clotilde Rullaud.
Chanteuse, flûtiste, compositrice et improvisatrice, Clotilde Rullaud mène plusieurs projets dans l’univers du jazz. Elle présente aujourd’hui XXY [εks/εks/wΛi], un film expérimental mêlant danse, image et musique qui questionne « les féminins et la diversité ».
Clotilde Rullaud - Les images ont toujours fait partie de mon imaginaire et de ma façon de créer… D’abord, parce que je rêve beaucoup et que mes rêves sont de grosses productions hollywoodiennes ! J’aurais aimé pouvoir les dessiner, mais je n’ai malheureusement pas ce talent. Ensuite, parce que lorsque j’improvise ma musique ou lorsque je compose, je vois des images. Les couleurs, les formes sont très importantes dans mon rapport à la musique et au son. Intégrer cette dimension à mon travail s’est finalement imposé avec ce projet vidéo, XXY [εks/εks/wΛi].
C’est l’œuvre du peintre-graffeur Stay Reo, qui fait partie d’un de ces collectifs underground en région parisienne auxquels je m’intéresse beaucoup. J’avais envie de quelque chose d’abstrait pour exprimer le chaos d’avant la création de l’être et sa détermination féminin/masculin. On a filmé un graff live, en slow motion, pendant deux grandes nuits pour ce résultat. Il signe des œuvres tout en traits et en pochoirs, avec de nombreuses techniques différentes. J’avais très envie pour mon film de ce travail qui rappelle l’art primitif, les masques, le minéral…, afin d’exprimer cet état d’un avant l’incarnation, quand la chose n’est pas encore dans la matière.
Je suis nourrie par l’art. J’aime beaucoup l’époque qui va du surréalisme jusqu’au futurisme, en passant par Dada, c’est tout ce travail de la forme qui m’intéresse. Et les rapports entre formes, couleurs et symboles. J’ai un amour particulier pour Herbin et son alphabet qui associe les lettres, les formes, les couleurs… et les sons ! J’aime beaucoup les artistes qui travaillent sur le sens caché des choses et la façon dont on peut donner des couches supplémentaires d’interprétation à une œuvre en utilisant la part inconsciente du spectateur, comme dans un rêve. De ce fait, il était important pour moi de jouer sur ces leviers-là dans ce projet vidéo, qui est une série de sept portraits. J’ai choisi précisément chaque endroit où les séquences ont été tournées, que ce soit la ville à Chicago, le minéral de l’Islande où la côte du Nord de la France. Et c’est la même chose avec les corps en mouvement : les corps des danseurs ont quelque chose d’androgyne qui laisse de la place au spectateur pour pouvoir y installer son propre imaginaire.
Les sons ont toujours raconté des histoires pour moi. Quand j’écoute de la musique, je vois des images. Je pense que j’ai développé une mémoire visuelle des sons. Quand j’apprends des morceaux, j’ai souvent des petits films dans la tête, qui ne sont pas forcément narratifs. Ça peut être simplement des ambiances ou des textures… Mais c’est tout le temps là, pas seulement dans les moments qu’on lui dédie. Je m’émerveille de l’art du quotidien, d’un balcon bien dessiné, d’un rayon de soleil, du rapport des couleurs dans la nature. Il est pour moi tout aussi important que celui que je trouve dans les galeries.
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Clotilde Rullaud : "Lorsque j’improvise, je vois des images"
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Abonnez-vous dès 1 €Il existe aussi un beau livre-objet en papier découpé inspiré du projet (cent exemplaires numérotés) qui sera disponible en librairie à partir d’octobre 2019, en précommande auprès des artistes The Martine’s (www.martines-editions.com)
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°725 du 1 juillet 2019, avec le titre suivant : Clotilde Rullaud : "Lorsque j’improvise, je vois des images"