Agnès Thurnauer - Plasticienne

On découvre ainsi les noms d’« Annie Warhol » ou, plus récemment, d’« Eugénie Delacroix » en lettres imprimées sur des badges monumentaux aux couleurs Pantone. Dans cette série, comme dans tout son œuvre, le langage occupe une place de choix. D’abord présente au dos de la toile dans les années 1990, l’écriture s’intègre au tableau au tournant du siècle, avant que le texte ne devienne une grille avec les Peintures d’histoiresà partir de 2005. La série des Créolisations internes se compose de tableaux sur lesquels sont peints en all-over des extraits d’Un appartement sur Uranus, essai du philosophe et militant trans Paul B. Preciado publié en 2019. Autour des lettres viennent « prendre corps » sur la toile des visages issus de célèbres portraits de Matisse. Comme à son habitude, l’artiste rejoue l’histoire de l’art, « monolithiquement masculine », en faisant de femmes peintes par Matisse les porte-parole d’une transition de genre. Toute la force de l’œuvre d’Agnès Thurnauer est d’être non seulement visuellement séduisant, mais également théoriquement stimulant. Tout en abordant des thèmes sociétaux actuels (genre, migration), elle explore la plasticité du langage et abolit les frontières entre le pictural et le conceptuel. Déjà présent dans de nombreuses collections publiques, son travail a rejoint en 2020 le Musée de l’Orangerie avec une installation pérenne inspirée des Nymphéas. À la Galerie Michel Rein, « La Traverser » fait dialoguer des œuvres datant des années 1990 à aujourd’hui.