Il fut un temps où l’extrême pointe sud de la presqu’île, qui constitue entre Saône et Rhône le cœur de Lyon, vivait, jour et nuit, nuit et jour, une vie autonome.
Non pas un « no man’s land », mais un ailleurs singulier, excentré, enclavé, isolé, séparé du reste de la ville par un enchevêtrement de fleuve et rivière, autoroute et voies ferrées. Un territoire incertain qui donnait à la gare de Perrache, laquelle le borde au nord, le caractère d’un mirador, d’un poste de garde…
Au-delà des voies ferrées donc (« derrière les voûtes », comme on dit à Lyon), existait un étrange entrelacs d’activités portuaires, de quais encombrés de chemins de grues, d’entrepôts, de pavillons de douanes, de petites industries polluantes et, pour égayer encore plus le tout, la masse imposante des prisons Saint-Paul et Saint-Joseph…
Et puis, tout ralentit, s’éteignit. Que faire alors de ces 150 hectares si lointains dans l’imaginaire lyonnais et pourtant si proches ? À l’orée des années 2000, Gérard Collomb, sénateur maire de Lyon et président de la Communauté urbaine, décida de réveiller le territoire, de l’intégrer définitivement à la métropole.
Avec, comme programme essentiel, l’idée que « la beauté de l’architecture, la beauté des espaces publics où se créent les liens qui font la société » soit la marque de ce que, dorénavant, on appellera « La Confluence ».
Un premier plan d’ensemble fut ainsi confié à l’architecte François Grether et au paysagiste Michel Desvigne. Concours et commandes directes s’enchaînèrent alors qui virent débarquer sur la presqu’île une sorte de gotha de l’architecture française et internationale : Christian de Portzamparc pour l’hôtel de région, Jean Paul Viguier pour le pôle de loisirs et de commerces, Rudy Ricciotti pour un ensemble hôtelier, Odile Decq pour le pavillon 8 et, en ordre resserré, Emmanuel Combarel, Dominique Marrec, Florence Lipsky, Pascal Rollet, Hervé Vincent, Fabrice Dusapin et François Leclercq, Clément Vergély, Manuelle Gautrand, Tania Concko, Winy Maas, Massimiliano Fuksas…, ceci afin d’édifier 1 million de mètres carrés de logements. Le tout dans un budget colossal (1,2 milliard d’euros pour la seule première phase).
Pendant ce temps-là étaient réhabilités et reconvertis la Sucrière, devenue haut lieu de la Biennale d’art contemporain, et le centre de tri postal, qui abrite les archives municipales…
Palimpseste
Le port Rambaud est donc bien réveillé. Et lorsqu’on le contemple depuis l’autre rive de la Saône, s’en détachent, aujourd’hui, deux architectures. Celle de l’ancien pavillon des douanes, rhabillé d’un caillebotis en aluminium laqué noir par Jean-Michel Wilmotte ; l’édifice accueille, entre autres, la galerie de Georges Verney-Carron dont on ne dira jamais assez la part qu’il a prise dans l’éveil de La Confluence. Celle encore des Salins du Midi, un bâtiment entièrement réécrit par Dominique Jakob et Brendan MacFarlane et enveloppé dans une peau en aluminium laqué orange, sorte de cotte de mailles perforée laissant passer la lumière.
Ensemble saisissant que ce nouveau quartier de La Confluence où la diversité des interventions ajoute ou substitue des significations aux significations antérieures qui sont effacées, masquées ou transformées. Soit un processus allégorique qui fonctionne sur le principe du palimpseste.
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Affluence de talents
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°328 du 25 juin 2010, avec le titre suivant : Affluence de talents