À la croisée de l’art, des sciences et de la technique, ce métier permet de maintenir l’illusion de la vie animale.
Ouverte en 1831, la maison Deyrolle, à Paris (7e arr.), a été pendant longtemps le temple de la taxidermie. Malgré l’incendie qui a ravagé son cabinet de curiosités en février 2008, l’amateur y croisera encore d’impressionnants grands fauves, des oiseaux de toutes espèces et trophées de gazelles. Si l’essentiel de l’activité de taxidermie est confié aujourd’hui à des professionnels indépendants – à l’exception d’un spécialiste des oiseaux, salarié de la maison depuis trente ans –, le lieu reste emblématique des grandes heures de la discipline, à l’origine dévolue à la pédagogie. Après une pratique pendant des siècles de la momification, la taxidermie moderne apparaît au milieu du XVIIIe siècle. L’intérêt pour l’histoire naturelle permet le développement de cet « art de conserver, par différentes techniques, les animaux morts en les maintenant sous un aspect semblable à celui de leur vivant ». Le terme, pour taxis (mettre en ordre) et derme (peau), apparaît en 1846, il remplace le vocable plus réducteur d’« empailleur ». La spécialité connaît son heure de gloire, alors que les musées achètent de nombreux animaux naturalisés rapportés des quatre coins du monde par les voyageurs. Les muséums emplissent alors leurs galeries d’étonnants spécimens, disséqués puis naturalisés à des fins scientifiques. Le Muséum d’histoire naturelle de Paris conserve encore quelques animaux célèbres, parmi lesquels le rhinocéros de Louis XV. Les chasseurs achevaient déjà à l’époque de remplir les carnets de commande des professionnels.
Aujourd’hui, la demande a évolué et le nombre de professionnels a très fortement décru, la taxidermie étant régie par de multiples interdictions. À commencer par celle relative aux espèces protégées. En France, la loi de 1976 sur la protection de la nature concerne 90 % des espèces, dont la naturalisation doit être soumise à un avis du ministère de l’Écologie. 10 % des espèces seulement sont donc libres à la naturalisation. Sont concernés les animaux domestiques et ceux dont la chasse est autorisée, à l’exception du putois et de l’hermine. Pour les espèces étrangères, c’est la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites) qui s’applique, et certaines requièrent une autorisation. Malgré ces restrictions, la technique se perpétue, pour les musées et les particuliers. Outre des commandes plus traditionnelles provenant des chasseurs, Jacques Gilbert, meilleur ouvrier de France installé à Salaise-sur-Sanne (Isère) après un long parcours à l’étranger, a creusé son sillon dans l’art contemporain en intervenant régulièrement pour des commandes de plasticiens. Jusqu’à la fin du mois de septembre, sept « moutons de Panurge » (Maurin et la Spesa) créés dans son atelier ont ainsi été exposés sur les remparts d’Aigues-Mortes, dans le cadre de « La dégelée Rabelais », une manifestation organisée par le FRAC Languedoc-Roussillon. « À chaque fois, il s’agit d’un challenge, explique Jacques Gilbert. L’artiste arrive avec son projet et je dois trouver une solution : pour la coloration de la peau, la posture de l’animal, ou pour rendre les coutures invisibles… » Si peu de professionnels se sont orientés dans cette voie, la composante artistique apparaît pourtant évidente pour les taxidermistes, pour qui leur travail relève de la sculpture animalière. La taxidermie est en effet un métier artistique, en ce sens qu’il consiste à rendre vie aux animaux en leur donnant une posture et une expression illusionnistes. Plusieurs étapes sont pour cela nécessaires. Après un travail de documentation sur l’animal, le taxidermiste dépouille la bête avant de la préparer et d’en tanner la peau. Il doit ensuite fabriquer la forme, une armature métallique ou un mannequin en mousse, qui donnera la posture du corps, puis ajuster la peau avant de procéder aux finitions. Les connaissances du taxidermiste couvrent ainsi différents champs, allant de l’anatomie au dessin et à la sculpture, de l’ostéologie (étude des os) – lorsqu’ils montent des squelettes – à l’éthologie (étude des comportements animaux) et aux sciences naturelles (liens avec environnement). Sans oublier une réelle dextérité manuelle.
Un CAP de taxidermiste a été créé en 1982. Seul le Centre de formation des apprentis de Meaux dispense cette formation, en alternance : zone industrielle des Sablons-Bouillants, 77100 Meaux, tél. 01 60 09 03 63.
Recrutement : niveau 3e, être âgé de 16 à 25 ans, avoir signé un contrat d’apprentissage avec une entreprise reconnue par la direction départementale du Travail et de l’Emploi.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Taxidermiste
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°293 du 12 décembre 2008, avec le titre suivant : Taxidermiste