L’Esad de Valenciennes ne sera plus financée par la Ville en 2018. Un regroupement avec les écoles de Cambrai et Dunkerque-Tourcoing, qui pourrait sauver l’Esad, tarde à se concrétiser.
VALENCIENNES - Comme à Avignon, Angoulême, ou Perpignan, l’École supérieure d’art et de design (Esad) de Valenciennes (Nord) voit sa pérennité menacée par le retrait de sa principale tutelle : la Ville, remportée en 2014 par Laurent Degallaix (UDI), a prévu de mettre un terme le 1er janvier 2018 à la subvention qu’elle accorde à l’école (900 000 € provisionnés en 2017). Outre la question du maintien ou de l’annulation du concours (commun aux trois écoles de la région), prévu le 6 avril 2017, il reste à l’école peu ou prou deux mois pour compenser une perte annoncée de 60 % de son budget. En effet, sur son 1,5 million d’euros de recettes, seuls 25 % sont apportées par l’État et la Région. Une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de l’Esad, école bicentenaire qui aime à rappeler qu’elle a formé une vingtaine de Prix de Rome. Comment en est-on arrivé là ?
Depuis la réforme territoriale, les collectivités des Hauts-de-France pointent la baisse des dotations de l’État pour expliquer la réduction des budgets de la culture. En 2011, à l’occasion de la réforme des EPCC (établissements publics de coopération culturelle), les écoles régionales de Dunkerque et Tourcoing ont fusionné, permettant un nouveau schéma de financement, à hauteur de 20 % pour la Région, 20 % pour l’État (Drac, direction régionale des Affaires culturelles), 25 % pour Dunkerque et 35 % pour Tourcoing, où se situent l’administration et 70 % des étudiants. Pourtant, en janvier 2016, les deux villes avaient menacé de retirer leurs subventions si une fusion générale des écoles des Hauts-de-France (avec Valenciennes et Cambrai) n’était pas actée avant la fin de l’année.
Vers un EPCC commun ?
À Valenciennes, le choix de la Mairie d’arrêter au 1er janvier 2018 était connu depuis 2014 par les responsables. Mais pour éviter le syndrome perpignanais (fuite des meilleurs élèves et des professeurs), Daniel Cappelle, conseiller municipal et président de l’Esad, n’a communiqué cette échéance qu’il y a peu. Entre-temps, l’Esad a mutualisé le poste comptabilité avec l’école de Cambrai, embryon symbolique d’une fusion. Surtout, un travail pédagogique commun a été mené avec succès. En effet, les quatre écoles supérieures d’art des Hauts-de-France ont déposé une demande commune d’habilitation au master, acceptée par les autorités compétentes. Les trois directeurs : Jean-Michel Geridan (Cambrai), Catherine Delvigne (Dunkerque-Tourcoing) et Alice Vergara (Valenciennes) estiment avoir accompli la partie pédagogique de leur mission avec une harmonisation réussie.
Ce volet rempli, il reste deux étapes : sur le plan administratif, les conseils d’administration doivent proposer un schéma de fusion. Un cabinet d’audit a pour mission de définir les modalités de rapprochement et les économies d’échelle possibles. C’est là que le premier bât blesse : certaines conclusions sont largement mises en doute par les personnels pédagogiques. « Les données concernant la provenance des étudiants, supposées déterminer le degré d’attractivité de l’école, sont fausses », explique Ludovic Duhem, philosophe et responsable de la recherche à l’Esad. À Valenciennes, étudiants et professeurs se mobilisent depuis plusieurs semaines pour sensibiliser l’opinion locale au dynamisme et au rayonnement local de l’école.
Quoi qu’il en soit, les avancées pédagogiques et administratives ne sauraient porter leurs fruits sans accord entre les collectivités, pour rééquilibrer les apports respectifs lors de la création éventuelle d’un EPCC commun. « Sans essence dans le moteur, la nature du véhicule importe peu », explique en substance Daniel Cappelle. Or, la concertation entre les quatre maires, les départements, la Région et la Drac n’a toujours pas abouti, un retard inexpliqué.
Rappellant que les écoles ont suivi les injonctions ministérielles en devenant des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, l’AndÉA, l’association qui les regroupe, enjoint le ministère de la Culture à s’engager plus fortement auprès des écoles territoriales en difficulté. Localement, les regards se tournent vers la Région. Après son élection à la présidence des Hauts-de-France en janvier 2016, Xavier Bertrand a promis 40 millions d’euros supplémentaires à la culture. Joint par Le Journal des Arts, François Decoster, son vice-président chargé de la culture, n’a pas souhaité s’exprimer. Il vient pourtant de clore à Amiens la « concertation culture » des Hauts-de-France, un plan ambitieux de redéfinition des objectifs culturels du territoire. Une question publique a même été posée sur le sujet. « Nous y travaillons », fut sa réponse. Les écoles de la région, sans aucune certitude, veulent y voir le signe qu’elles survivront au-delà de 2017.
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S’unir ou mourir
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°469 du 9 décembre 2016, avec le titre suivant : S’unir ou mourir