Le mouleur statuaire réalise des répliques fidèles d’originaux sculptés. Qu’il soit en résine ou en plâtre, le moulage permet la diffusion d’une œuvre ou sa sauvegarde.
Les matériaux et les techniques ont évolué depuis le temps des Tanagras, mais le rôle du mouleur statuaire reste inchangé. Il a pour mission de fournir la copie conforme d’un original donné. Aux moules à pièces dits « à bon creux » couramment utilisés au XIXe siècle et permettant de réaliser un nombre illimité d’épreuves, ont succédé des techniques plus modernes. La gélatine et les polyuréthanes offrent une grande fidélité d’empreinte et ne cessent de voir leurs qualités de pérennité s’améliorer. Les épreuves sont réalisées en plâtre ou en résine. Ce dernier matériau, qui peut être mélangé à de la poudre de pierre ou de métal, permet d’imiter parfaitement l’aspect de surface du modèle tout en allégeant remarquablement le poids de la sculpture et en offrant d’excellentes qualités de conservation.
Fondé en 1871 par son arrière-grand-père, l’atelier familial de Michel Lorenzi est toujours sis dans la même maison d’Arcueil (Val-de-Marne). Quatre générations de mouleurs ont accumulé un patrimoine matériel précieux qui constitue sa richesse. « À l’origine, cette maison se consacrait principalement à l’édition, explique le mouleur. Nous possédons un stock d’environ 1 100 moules dont certains sont plus que centenaires. » Une boutique installée rue Racine, à Paris, depuis la création de l’atelier, se charge de la commercialisation des modèles. « Je ne moule que d’après des originaux ou des premières empreintes, explique l’artisan nommé maître d’art en 1994. Je refuse de travailler à partir d’une copie, qui est déjà trop éloignée pour moi de la main de l’artiste. » Mais surtout, ce sont les grands moulages effectués pour protéger les éléments du bassin de Latone à Versailles, les statues de l’Assemblée nationale et les reliefs de l’arc de triomphe de l’Étoile qui auront été pour Michel Lorenzi les projets les plus passionnants.
Numérisation à l’appui
« Nous sommes régulièrement mis en concurrence nationale et internationale lorsque le moulage d’une œuvre appartenant aux collections publiques est envisagé », souligne Jacques Laurent, le chef des ateliers de moulage de la Réunion des musées nationaux (RMN). On aurait pu penser, à tort, que cet organe institutionnel était de facto chargé de toutes les collections nationales. Créé en 1794, peu après l’ouverture du Muséum national, l’atelier de moulages du Louvre est rattaché depuis 1895 à la RMN et réunit depuis 1937 les fonds des ateliers de moulages des musées des monuments français, des arts décoratifs et de l’Énsba (École nationale supérieure des beaux-arts). « Nous avons deux missions principales, résume Jacques Laurent. La première est la conservation d’une collection d’environ 5 300 références de moules, la fabrication et la commercialisation de modèles, et la seconde est la réalisation de copies destinées à préserver des originaux abîmés. » L’atelier travaille en partenariat avec plusieurs laboratoires de recherche publics et privés et peut ainsi se targuer d’être à la pointe des innovations technologiques. « Depuis six ans, nous exploitons une technique de numérisation qui est précise sur le plan géométrique mais demande toujours l’intervention d’un modeleur, poursuit le spécialiste. C’est encore expérimental mais cela nous a déjà rendus de grands services lorsque les originaux sont très fragiles. »
L’intervention du mouleur peut trouver de multiples applications dans le paysage urbain. Pascal Bigel se rappelle avoir moulé sur place la façade du Palais de l’automobile à Marseille, laquelle a ainsi pu être sauvegardée et plaquée sur le bâtiment neuf venu remplacé l’immeuble vétuste. « Nous venons de passer neuf mois à travailler sur une reproduction de la statue de la Liberté, haute de 12 mètres et inaugurée à Colmar pour le centenaire de la mort d’Auguste Bartholdi, raconte-t-il. Je suis agrandisseur-réducteur de formation, il s’agit d’une spécialité de plus en plus rare également liée à la reproduction d’œuvres. Il faut bien être conscient du fait que l’intervention du mouleur constitue une étape dans un processus plus général qui englobe plusieurs corps de métier. » Les possibilités de préservation qu’offre le moulage laissent rêveur l’artisan qui espère pouvoir un jour mouler les temples d’Angkor afin de les protéger définitivement du pillage.
- Il n’existe pas de formation spécifique au métier de mouleur statuaire, toutefois les techniques de moulage peuvent être enseignées dans le cadre des apprentissages aux métiers de la céramique et du bâtiment ainsi que sous la forme de stages chez des professionnels. Pour en savoir plus : - La Société d’encouragement aux métiers d’arts (SEMA) : viaduc des arts, 23, av. Daumesnil, 75012 Paris, tél. 01 55 78 85 85, www.metiersdart-artisanat.com
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Mouleur statuaire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°202 du 5 novembre 2004, avec le titre suivant : Mouleur statuaire