C’est une double révolution que va mettre en place l’École nationale supérieure des arts décoratifs. Son directeur, Marc Partouche, veut augmenter le nombre d’étudiants en première année pour qu’il atteigne à terme 450. Cette promotion sera logée dès la rentrée 2017 dans les ailes vacantes des grandes écuries du château de Versailles. Ce projet qui vise notamment à augmenter la mixité sociale, laisse cependant ouvert la question du devenir de ces étudiants.
PARIS/ VERSAILLES - En signant un partenariat avec l’Établissement public du château de Versaille, du musée et du domaine national de Versailles, l’École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad) tourne une nouvelle page de son histoire, commencée il y a 250 ans.
En mars 2014, Marc Partouche a pris la direction de l’Ensad, après avoir notamment dirigé l’École nationale supérieure d’art de Paris-Cergy, puis l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles. Ses objectifs incluent quelques changements pédagogiques majeurs (lire JdA n° 434, avril 2015), puisqu’il est notamment question de multiplier par cinq (1) les effectifs de la première année. Cette réforme répond à un double impératif selon le directeur : la première année doit permettre de corriger les inégalités liées au parcours antérieur (une majorité sort de classes préparatoires privées) en augmentant la mixité sociale des admis. Corollairement, la proportion d’étudiants étrangers doit aussi augmenter. Selon toute vraisemblance et suivant le protocole d’accord qui sera signé courant novembre, cette nouvelle première année sera hébergée dans l’une des deux ailes des grandes écuries du château de Versailles.
Pour l’heure, la compagnie de Bartabas et la galerie des carrosses se partagent le corps principal du bâtiment, tandis que les deux ailes avancées, de 3 500 mètres carrés chacune, devraient revenir à l’Ensad. « L’espace est important, et tout n’est pas encore défini. Les projets se construiront au fur et à mesure. L’idée n’est pas de lancer de grands travaux pour n’être prêts que dans cinq ans, mais d’habiter rapidement les lieux afin d’y trouver plus naturellement nos vocations », assure Marc Partouche. Ce que Catherine Pégard, directrice du château de Versailles, résume ainsi : « l’installation dans un univers tel que Versailles doit pouvoir constituer, pour les étudiants de l’Ensad, une forme de travaux pratiques ». Mais ce pragmatisme souhaité tient surtout de la contrainte budgétaire et de l’urgence à trouver de l’espace. Un programmiste travaille déjà sur place. Certains travaux lourds seront malgré tout nécessaires. On en connaîtra bientôt le calendrier. Des activités auront lieu à Versailles dès la rentrée prochaine : « ateliers, séminaires, conférences, nous voulons que les étudiants s’approprient le lieu sans tarder », explique Marc Partouche.
Des intérêts partagés
Les deux institutions ont des intérêts communs. Pour l’Ensad, outre les considérations immobilières, il s’agit de garder son ancrage parisien et son appartenance à sa Communauté d’universités et établissements (Comue) tout en développant des liens plus concrets, autour du château et de son univers, avec l’École nationale supérieure d’architecture et l’École nationale supérieure de paysage.
Une façon aussi « d’éviter un projet hors-sol », précise le directeur. Pour la municipalité versaillaise comme pour Catherine Pégard, outre l’enrichissement du pôle pédagogique, l’Ensad représente le partenaire idéal : à la légitimité d’une école bicentenaire, elle ajoute le caractère contemporain du design et de la création. « Pour occuper les ailes vacantes et faire vivre notre lieu, il fallait un partenaire qui existe à l’international, une dimension pédagogique et un lien avec l’ADN du château de Versailles. Or, que l’on parle de mode, de design ou de métiers d’art, rien de ce que fait l’Ensad ne nous est étranger ».
De fait, les discussions entre Catherine Pégard et Marc Partouche se sont accélérées à la rentrée. Après une visite des personnels de l’école à Versailles, un protocole d’accord a été signé, préalable au contrat-cadre qui devrait être bouclé mi-novembre. Il y a dix jours, une réunion des deux institutions a défini une stratégie commune avec les collectivités, les partenaires privés, et les ambitions architecturales partagées. Mi-novembre, un conseil des études et de la recherche aura lieu à l’Ensad, pour évoquer avec tous les métiers l’impact de cette extension sur la pédagogie et l’organisation de l’école.
Un révolution pédagogique
Le projet n’est pas sans risque : l’école, scindée en deux, mettra sans doute du temps à trouver son équilibre, d’autant que les campus seront séparés par plus d’une heure de transport. D’un point de vue pédagogique, la montée en puissance progressive de la première année (de 80 à 300, puis à 450 étudiants, selon un principe validé par le ministère) devra reposer sur une sélection différente, qu’il reste à éprouver, sans renier pour autant l’exigence artistique qui fait l’identité de l’école. Plus délicat, le retour à 80 élèves en deuxième année créera l’effet inverse en introduisant une compétition importante. Cette concurrence devra n’être que bénéfique sur la qualité du travail fourni, sans dégrader une atmosphère dont on sait l’impact sur les activités créatives. Enfin, côté budgétaire, l’opération doit être financée conjointement par l’État et par les recettes commerciales de la formation professionnelle en développement à l’Ensad, notamment à destination des designers et stylistes étrangers. Un des éléments de réussite sera la proportion de boursiers, qui doit rester autour de 35 % à critères constants.
Près de dix ans après l’arrivée des Beaux-Arts de Lyon aux Subsistances, sept ans après l’inauguration de l’école de Caen, l’Ensad prépare un chantier à la résonance inédite pour une école d’art, en investissant un symbole absolu du patrimoine français. Avec d’ici quelques semaines, l’inauguration du nouveau campus « Artem » à Nancy et la livraison de l’extension des Beaux-Arts de Nantes au printemps prochain, le paysage des écoles d’art va continuer de se transformer aux quatre coins du pays.
(1) Marc Partouche avait initialement évoqué 1 000 étudiants, mais fixe désormais entre 400 ou 500 étudiants la taille prévisionnelle de cette grande première année.
Titre original de l'article : « Versailles accueillera la première année de l’Ensad »
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Exclusif. L’Ensad installe sa grande première année à Versailles
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Abonnez-vous dès 1 €Vue aérienne des Grandes écuries de Versailles, siège de la future antenne de l'ENSAD. © Photo : C. Milet/EPV
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°466 du 28 octobre 2016, avec le titre suivant : Exclusif. L’Ensad installe sa grande première année à Versailles