L’activité de son atelier se poursuit grâce à la restauration et à la haute couture.
C’est dans l’ancienne salle d’exposition ouverte en 1893 par Lepault et Deberghe, deux célèbres éventaillistes du XIXe siècle, qu’Anne Hoguet a ouvert, un siècle plus tard, en 1993, un petit musée de l’éventail. Dans une atmosphère de cabinet de curiosités de style néorenaissance, elle y expose l’importante collection familiale, constituée par quatre générations de professionnels et constamment enrichie depuis. Au total, ce sont donc plus d’un millier de pièces, dont les plus anciennes remontent au XVIIIe siècle – période faste pour les fabricants d’éventails –, qui y sont exposées par roulement. Nommée Maître d’art en 1994, Anne Hoguet fait désormais figure de « dernier Mohican » d’une profession en voie de disparition. Après avoir connu une histoire brillante, ce précieux accessoire de mode n’est plus désormais fabriqué que pour le spectacle ou la haute couture, où Karl Lagerfeld l’a remis à l’honneur voici une quinzaine d’années.
C’est au VIIe siècle, que les Japonais inventèrent l’éventail rétractable, dont le système de pliage s’inspirait d’une aile de chauve-souris. Introduit en Europe par les Portugais au XVIe siècle, l’éventail supplante les anciens flabellums ou « esmouchoirs » faisant office de chasse-mouches (non pliants). Il séduit les cours italiennes et est introduit à la Cour de France par Catherine de Médicis. Le succès est tel que Colbert décide de la création d’une corporation en 1678. Celle-ci entérine une division du travail. Les éventaillistes plient, décorent et insèrent les feuilles en peau de cygne – en réalité de chevreau –, vélin, papier ou soie dans les montures. Ces dernières sont fabriquées et décorées par les tabletiers, spécialistes du travail de l’os, de l’écaille, de l’ivoire ou du bois, dont la plupart sont installés dans l’Oise. En 1760, l’invention du moule à plisser par Martin Petit vient simplifier le travail fastidieux des éventaillistes. Le moule permet, en effet, de régulariser les plis, réalisés auparavant à la main et à l’aide d’un patron, et de satisfaire une demande croissante. Au XIXe siècle, la production est désormais quasiment industrielle et répond avant tout aux demandes pour l’exportation. Alors que la mode s’estompe, quelques artistes tels que Renoir, Manet, Gauguin puis Picasso redonnent ses lettres de noblesses à l’éventail, devenu objet de collection.
Vers un renouveau ?
Pour Anne Hoguet, être éventailliste aujourd’hui signifie toutefois travailler différemment, la tabletterie étant une spécialité en voie de disparition. Formée « sur le tas » dans l’atelier de tabletterie de son père, elle combine les deux métiers, et pratique aussi bien le pliage et le décor des feuilles que la fabrication des montures à partir de pièces anciennes modifiées, ou recréées grâce au stock familial de matériaux précieux. Ces pièces uniques ou de petite série sont destinées principalement à la haute couture ou au spectacle. « La moitié de mon activité est toutefois consacrée à la restauration, essentiellement pour une clientèle de collectionneurs privés – il en existerait une centaine en France », poursuit Anne Hoguet. Ce travail requiert une vraie minutie, les éventails, qu’il faut souvent entièrement démonter, étant d’une grande fragilité. Si l’atelier a déjà accueilli plusieurs élèves et forme régulièrement des stagiaires, Anne Hoguet ne cache pas son inquiétude quant à la transmission de son savoir-faire. « Il n’a jamais existé de formation spécifique, précise-t-elle. Certains de mes élèves viennent d’écoles d’arts appliqués, d’autres d’écoles de mode. Mais pour l’heure, je n’ai pas encore trouvé la personne idoine pour me succéder ». Le renouveau de l’éventail pourrait toutefois venir du secteur de la mode, où plusieurs jeunes créateurs, qu’ils soient stylistes ou brodeurs de formation, tels Sylvain Le Guen, Frédéric Gay ou Sylvie Macaux, proposent des créations renouvelant formes, décors ou pliages.
Il n’existe aucune formation spécifique
Musée de l’éventail, 2, boulevard de Strasbourg, 75010 Paris, tél. 01 42 08 90 20, du lundi au mercredi, 14h-18h, du lundi au vendredi pendant les vacances scolaires.
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Éventailliste
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°256 du 30 mars 2007, avec le titre suivant : Éventailliste