Profession

Dessinateur de bande dessinée

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 20 janvier 2006 - 738 mots

À l’heure de la grand-messe annuelle d’Angoulême avec son Festival international de la bande dessinée,
focus sur une profession où les places sont chères.

Pendant longtemps, le « 9e art » n’a été considéré qu’avec condescendance, comme un sous-produit culturel. Pourtant, avec plus de 2 700 nouveaux titres en 2005, dont 1 142 mangas (1), le genre commence à pénétrer des domaines où on ne l’y attendait pas, tissant notamment des liens avec le monde de l’art. Certains auteurs, tel le jeune Riad Sattouf, avouent même que l’histoire de l’art ou la peinture demeurent des sources d’inspiration encore trop largement sous-exploitées. L’initiative récente du Musée du Louvre de coéditer une collection de bandes dessinées (avec les éditions Futuropolis) autour du musée et de ses collections pourrait changer la donne. Premier auteur à avoir livré son volume (Période glaciaire), Nicolas de Crécy confesse avoir été surpris par le principe de cette commande. « C’était la première fois que je devais me confronter à un thème alors que je travaille d’habitude en totale liberté. Et le Louvre est un lieu très intimidant. »
Au-delà de ses capacités de dessinateur, l’auteur de bande dessinée doit en effet savoir construire une histoire à partir d’un scénario. Le principe de l’image scandée en vignettes implique la conception d’une narration non linéaire, susceptible de maintenir en haleine le lecteur et de lui donner envie de tourner les pages. Si l’idéal est d’être capable de tout maîtriser, certains dessinateurs se font épauler par un scénariste (à l’instar d’Uderzo, par Goscinny, pour Astérix) afin de donner plus d’allant au contenu. « Le travail avec un scénariste permet souvent au dessinateur de sortir de son univers graphique habituel », observe Nicolas de Crécy, qui préfère pour sa part travailler seul, « car le récit prime, alors que le dessin est uniquement regardé par les spécialistes ». « Plus auteur qu’illustrateur », confirme David Vandermeulen – ancien animateur de la BD belge underground –, dans sa définition du métier.

L’observation et la copie
Le dessin de BD a toutefois ses spécificités. Il doit être parfaitement explicite, car le texte y est par définition laconique, et être appréhendé par plans et angles de vue différenciés afin de dynamiser le récit. C’est le fondement de l’enseignement dispensé dans les écoles spécialisées. Si ces dernières permettent de susciter des connivences avec le milieu, « elles peuvent aussi être dangereuses, car la marque des professeurs est parfois visible chez certains auteurs », prévient l’un d’eux. D’autres plaident pour qu’y soit élargi le champ des connaissances, au-delà de la seule bande dessinée. Le passage dans un studio, en qualité d’assistant, est donc aussi vivement recommandé. Car pour les nombreux autodidactes – souvent issus des formations artistiques classiques –, il faut avant tout observer, voire commencer par la copie, à l’égal des peintres. Parmi les transfuges des Beaux-Arts en mal de débouchés, certains professionnels, les coloristes, se sont spécialisés dans la seule mise en couleurs, souvent fastidieuse. Beaucoup d’auteurs continuent toutefois à maîtriser cette étape, largement dominée aujourd’hui par les outils informatiques et la palette graphique, vantée pour les possibilités qu’elle offre en termes de rapidité et de mémorisation des teintes. Là encore, aucune uniformisation, mais plutôt un savant mélange de techniques, comme en témoigne David Vandermeulen : « Pour Fritz Haber (éd. Delcourt) – en lice pour le Prix du meilleur album au Festival d’Angoulême 2006 –, je n’ai réalisé que des aquarelles sur papier, que j’ai ensuite moi-même scannées pour arranger la valeur de certaines teintes. »
Pour les candidats, reste donc à trouver la formule qui saura séduire un éditeur dans un marché toujours plus pléthorique et donc concurrentiel. Avoir publié dans un fanzine (magazine amateur) et ne pas être dénué de personnalité peut se révéler déterminant. Seuls quelque 600 auteurs parviennent aujourd’hui à faire de la BD leur profession principale. « Pour vivre correctement, il faut vendre
chaque album au minimum à 10 000 exemplaires », déplore Nicolas de Crécy.

(1) source : Gilles Ratier, Association des critiques de bande dessinée.

Informations

- Centre national de la bande dessinée et de l’image (CNBDI), 121, rue de Bordeaux, 16000 Angoulême, tél. 05 45 38 65 65; www.cnbdi.fr. Le CNBDI abrite un musée, une bibliothèque, un centre de documentation et organise des ateliers pour enfants. Tlj sauf lundi, 10h-19h (18h en hiver). - Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, du 26 au 29 janvier, tél. 05 45 97 86 50 ; www.bdangouleme.com.

Formations

Toutes ces écoles sont ouvertes aux bacheliers, de préférence issus des filières arts plastiques. Elles dispensent une formation d’une durée de trois ans. - École supérieure de l’Image d’Angoulême, 134, rue de Bordeaux, 16000 Angoulême, tél. 05 45 92 66 02. Seule école en France à délivrer un diplôme national – le Diplôme national d’arts plastiques (DNAP), option Communication, mention « bande dessinée ». Recrutement sur concours. - École Émile Cohl, 232, rue Paul-Bert, 69003 Lyon, tél. 04 72 12 01 01 ; www.ecole-emile-cohl.fr. École d’art privée reconnue par l’État qui propose une formation en BD. - École Pivault, école technique d’arts appliqués, 26, rue Henri-Cochard, 44000 Nantes, tél. 02 40 29 15 92; www.ecole-pivaut.fr - École supérieure des arts de Saint-Luc : 41, bd de la Constitution, Liège (Belgique), tél. 32 4 341 80 00, www.saintluc-liege.be ; 57, rue d’Irlande, Bruxelles (belgique), tél. 32 25 37 08 70 ; www.stluc-bruxelles-esa.be/v2/ - Académie des beaux-arts et des arts décoratifs, 14, rue de l’Hôpital Notre-Dame, Tournai (Belgique), tél. 32 69 84 12 63.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°229 du 20 janvier 2006, avec le titre suivant : Dessinateur de bande dessinée

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