L’année préparatoire aux écoles d’art est à envisager comme une période dédiée à muscler sa pratique artistique, à peaufiner son dossier et mûrir son projet d’études.
Souvent considérée comme un passage obligé par les lycéens et leur famille, la classe prépa n’est en aucun cas un prérequis pour entrer dans une école d’art. En fait, tout dépend des écoles et de leur prestige, la part des jeunes issus de prépas artistiques augmentant avec la sélection à l’entrée. Toutefois, plusieurs établissements ont ouvert leur propre prépa (Beaux-Arts de Paris, Lyon, Arts déco, etc.) pour offrir une alternative au système privé et démocratiser l’accès aux études d’art. « Les prépas remplissent bien leur rôle de s’initier à la diversité des pratiques, de structurer un imaginaire et de formuler des intentions artistiques afin de pouvoir les partager », résume un directeur d’école.
Pour se repérer dans l’offre, on peut distinguer les classes préparatoires à temps plein proposées par les écoles d’art (supérieures ou municipales) et celles proposées par les lycées et les filières privées. Des formules plus souples existent sous forme de cours hebdomadaires ou de stages, à suivre en parallèle de l’année de terminale, mais elles n’offrent pas la même immersion. Le coût d’une année varie de 250 à 2 000 euros dans le secteur public, et dans une fourchette de 5 000 à 8 000 euros pour le privé. A contrario des filières privées qui intègrent un grand nombre d’inscrits, les prépas publiques mettent en avant leurs effectifs à taille humaine, entre vingt et trente élèves, ce qui facilite un suivi individualisé. Pour le public, vingt-trois prépas sont actuellement regroupées au sein de l’Association nationale des prépas publiques aux écoles supérieures d’art (Appéa) et bénéficient d’un agrément du ministère de la Culture. Les classes préparatoires aux études supérieures – classes d’approfondissement en arts plastiques (CPES-CAAP) sont proposées en lycées publics et privés sous contrat. On en compte une douzaine. Conventionnées par des départements arts à l’université, elles permettent d’accéder au statut d’étudiant et de valider le niveau L1 de licence, utile pour élargir la poursuite d’études et sécuriser le parcours des étudiants. Ces classes peuvent convenir à un jeune qui cherche à être très encadré et à rester dans le système du lycée. Au sein d’une école d’art et de design, l’élève de prépa sera dans un environnement plus transversal et plus autonome. Les prépas visent en priorité les écoles supérieures d’art et de design françaises et leurs homologues européennes. Les enseignants conseillent de présenter plusieurs concours : trois ou quatre représentent déjà un fort investissement.
La plupart de ces cursus fonctionnent sur l’alternance entre enseignement pratique et théorique, avec des ateliers de pratique artistique, des cours de culture générale, d’histoire de l’art, de langue, etc., sur un volume d’environ 35 h hebdomadaires. L’ensemble des disciplines est abordé : le dessin, la couleur, la peinture, la sculpture, les disciplines de l’image et du son, les outils numériques et les pratiques de la scène comme la performance. Outre leur travail de recherche personnel, les élèves participent à des travaux collectifs et des séances de workshop (semaines dédiées à un thème ou à une réalisation spécifique). Des visites d’expositions ou d’ateliers d’artistes, des conférences sont aussi proposées. Au final, cette année est d’autant plus dense que les premiers concours d’entrée en école d’art arrivent dès le mois d’avril. Autant dire qu’il ne faut pas perdre de temps.
« Beaucoup d’élèves s’inscrivent en classe prépa car ils avaient une pratique artistique en dilettante durant leurs années de lycée », observe une enseignante en art. Cette année leur permet à la fois de s’impliquer plus en profondeur, de diversifier leur recherche artistique à travers l’accès à des enseignements et des outils (studio vidéo, atelier de gravure, etc.), et enfin de prendre du recul sur leur production. « Je n’avais jamais fait d’art en classe avant et je pratiquais la peinture et le dessin de manière confidentielle chez moi », témoigne ainsi Charlène, ancienne élève de prépa à Carcassonne. « Cette classe m’a apporté plus de confiance, m’a permis de m’affirmer et de savoir vers quoi je voulais aller. »
L’année de prépa est également l’occasion de vérifier une appétence pour le domaine artistique. Elle sert à prendre conscience de la réalité des cursus artistiques, déclinés sur cinq ans d’études et qui exigent beaucoup de travail personnel et d’efforts. L’occasion parfois de réaliser que la voie artistique n’est finalement pas la bonne. À la classe prépa de Calais, par exemple, entre la rentrée de septembre et la mi-novembre, sur l’effectif initial de vingt élèves, quatre ont préféré renoncer. Certains ont aussi du mal à dépasser une passion monomaniaque. « Quelques étudiants sont passionnés par une activité, par exemple autour du manga, du tatouage ou de l’animation. Et ils peuvent avoir du mal à s’ouvrir à d’autres disciplines », relève Stephen Touron, coprésident de l’Association nationale des prépas publiques aux écoles supérieures d’art.
Durant cette année préparatoire, le défi pour les enseignants est d’ouvrir à la diversité des champs qui composent la création artistique et que l’on retrouve ensuite dans les écoles d’art. Arts plastiques, photo, vidéo, performance, création numérique… sont donc au programme. « C’est une période pour expérimenter différentes pratiques, en recevant quelques éléments techniques et aussi les attendus plus théoriques liés à l’histoire de chaque discipline », explique Olivier Di Pizio, coordinateur des trois prépas des Ateliers beaux-arts de la ville de Paris. « Lors des ateliers, on décortique les pratiques pour apprendre à débattre et commencer à les situer dans l’histoire de l’art », poursuit l’enseignant. Pour élargir encore plus le champ des possibles, certaines formations proposent des cours à options. À la prépa Beaux-Arts Glacière de la ville de Paris, l’étudiant, en plus des cours obligatoires, peut suivre une option de trois heures parmi les dizaines d’ateliers proposés par l’institution municipale. Et durant les vacances de la Toussaint, chacune des trois prépas a suivi un workshop spécialisé d’une semaine : sur la danse (prépa Arts), la perspective (prépa Image) ou le modèle vivant (prépa Espace).
Un autre aspect important de cette année de transition est aussi de pouvoir mûrir son projet d’études. Durant cette période, l’élève est encouragé à réfléchir à son orientation. Cela implique de s’informer sur les écoles pour trouver celle qui sera la plus adaptée à ses envies et son profil. Les enseignants qui connaissent bien les spécificités de chaque établissement, pour y enseigner ou en être issus, sont aussi là pour accompagner et guider les élèves. Bien choisir sa voie permet ensuite de concentrer ses efforts sur un nombre limité de concours. « Il faut profiter de cette année pour se renseigner au maximum sur le contenu et le vécu des études artistiques », recommande ainsi Julien Bohdanowicz, directeur des études de l’École nationale supérieure des Arts décoratifs (Ensad). « Notre établissement, par exemple, ne convient pas forcément à tous les profils. Un jeune qui recherche une pratique très libre du design, par exemple, et qui ne supporte pas le système scolaire y sera malheureux. Car nos élèves doivent suivre pendant leur cursus, dans les dix secteurs d’enseignement de l’école, une formation fondamentale allant vers l’autonomie. » Les discussions avec les enseignants de prépa, les journées portes ouvertes des écoles (qui existent aussi en format virtuel), les visites des salons d’orientation constituent autant de moyens de s’informer de la réalité des études. « Durant les portes ouvertes, il ne faut pas hésiter à demander aux étudiants comment se déroule leur quotidien, s’ils ont du temps pour faire autre chose durant la semaine ou pour avoir un petit boulot le week-end », poursuit le directeur des études des Arts déco. La question des moyens techniques et des espaces d’ateliers peut aussi être abordée. « Certaines écoles comme Limoges ou Marseille disposent d’espaces de travail magnifiques, mais dans les écoles parisiennes, nous sommes plus à l’étroit. » L’organisation des études en deux cycles, licence et master, permet de commencer son cursus dans un établissement et de pouvoir éventuellement en changer en cours d’études.
Pièce maîtresse de la sélection en prépa puis en école, le dossier de travaux personnels ou portfolio doit permettre de cerner un univers et une appétence à travers une certaine diversité dans le choix des outils (dessin, peinture, photographie, etc.). Le jury n’attend pas forcément une maîtrise technique parfaite, mais une soif de créer, une personnalité. À l’Atelier de Sèvres, le contenu de ce dossier n’est d’ailleurs pas codifié. « Il revient au candidat de le composer au gré de ses travaux personnels », précise le site Internet de la prépa. « La principale indication a trait à l’ancienneté de ces travaux. Il est en effet nécessaire de présenter des œuvres récentes afin que le jury de la prépa puisse évaluer le niveau du candidat le plus précisément possible. » Pour l’entrée en école d’art, l’exigence du dossier artistique est plus élevée qu’en prépa. La présentation et le choix des œuvres doivent être plus structurés. Attention à ne pas attendre le dernier moment pour réaliser son dossier. « Mieux vaut anticiper le plus possible en le préparant dès le mois de janvier, quitte à le compléter avec ses dernières productions », conseille Julien Bohdanowicz.
L’entraînement à défendre ses travaux durant l’année de prépa est aussi formateur. Lors de l’oral au concours d’entrée, le jury attend du candidat qu’il exprime l’intention de chaque projet de son dossier artistique afin de cerner un embryon de démarche artistique. Il faut pouvoir témoigner d’une curiosité pour la création, et d’un minimum de références. La question incontournable porte sur les dernières expositions vues ou la fréquentation d’événements culturels (expositions, festivals, pièces de théâtre, etc.). « Il est important de lire et de se cultiver, de pouvoir se repérer dans l’histoire de l’art », recommande Raphaël Cuir, directeur de l’Esad Reims. « Voir des expositions permet de prendre la mesure de ce qui se fait, de savoir où l’on se situe et vers quel type d’art on aimerait aller : la peinture, le design, la performance, l’installation… » L’oral sert à vérifier une forte motivation pour la création mais aussi que le candidat sait vers quoi il s’engage, qu’il s’est renseigné sur la réalité du contenu des études et des possibilités d’insertion. Pour Juliette Beauchot, directrice des études à l’Esad Orléans, « l’entretien peut compenser un dossier de travaux un peu balbutiant si l’on sent que l’étudiant a des choses à dire et un regard personnel sur le monde qui l’entoure. »
Au final, cette année de prépa est souvent vécue comme un « moment de bascule dans la vie des étudiants », témoigne Olivier Di Pizio, qui dit garder des liens forts avec nombre d’anciens étudiants. En quelques mois, c’est à la fois un idéal artistique qui se cristallise et la prise de conscience des efforts et du travail nécessaires pour mener à bien des études artistiques. Une première marche en quelque sorte vers l’univers de la création.
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Classe prépa : l’année de sas des études artistiques
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°761 du 1 janvier 2023, avec le titre suivant : Classe prépa : l’année de sas des études artistiques