La crise de la dette souveraine et ses conséquences sur les financements publics fragilisent une vie artistique et muséale portugaise qui tente de s’affirmer depuis la révolution des Œillets, en 1974. Des institutions, telle la Fondation Serralves, ont cependant réussi à se hisser au niveau international.
LISBONNE - La chronique de la « crise portugaise », sur fond de difficultés économiques et politiques du pays, retient l’attention depuis des mois, dans la tourmente européenne que l’on sait. Le changement de majorité, après les présidentielles de janvier 2011, intervient dans ce contexte économique et budgétaire menaçant, avec l’annonce d’une politique d’austérité qui a de quoi inquiéter le monde de la culture. Symboliquement, la disparition du ministère de la Culture au profit d’un secrétariat d’État rattaché au Premier ministre, dont l’écrivain et journaliste Francisco José Viegas a la charge, pourrait sembler confirmer ces inquiétudes, surtout après les déclarations de celui-ci concernant les politiques de financement du cinéma, qui se verrait conditionné par le succès public.
Mais bien d’autres questions structurelles héritées de l’histoire portugaise rendent la situation, en particulier pour les beaux-arts, bien complexe. La concentration bipolaire entre Lisbonne et Porto en est une, mais aussi l’absence de l’histoire de la modernité dans la vie institutionnelle pendant les années de la dictature. La jeunesse, le manque de clarté et de cohérence des politiques pourtant réelles en faveur de la culture depuis la révolution des Œillets en sont d’autres, qui relativisent le rôle de l’État. Pedro Lapa, qui, aujourd’hui, a pris la tête de la collection Berardo après avoir dirigé le Museu Nacional de Arte Contemporânea-Museu do Chiado, à Lisbonne, relève comment l’effort – réel – des pouvoirs publics a trop souvent dépendu de l’engagement personnel de tel ou tel ministre plus que d’une orientation politique globale, au risque même, rappelle l’artiste Julião Sarmento, d’un mélange entre rôle politique et influence personnelle.
Aides remises en cause
S’en est cependant suivie la mise en place, via l’Institut Camões, de soutiens aux artistes qui ont pu aider, trop timidement (Pedro Lapa se souvient simplement de deux artistes portugais présents sur une saison de manifestations internationales comme 2007), à leur mobilité et à leur visibilité hors du Portugal. La pérennité même de ces aides est aujourd’hui en suspens. Le partage de l’engagement économique avec le secteur privé, régi notamment par la loi dite du Parrainage (défiscalisation des investissements, 1999) a conduit par exemple des banques, plutôt qu’à travailler avec les institutions publiques, à constituer leurs propres collections, qui ne manquent pas de qualité ni d’ambition, mais qui, à l’heure des difficultés économiques, deviennent de pesantes immobilisations, de lourdes charges. Si quelques institutions (les doigts d’une main suffisent largement à les compter) ont pu viser un niveau de visibilité internationale, demeure le manque de soutien aux structures intermédiaires, celles qui permettent, surtout hors de la capitale, le développement d’un tissu de relais nécessaires, des écoles aux centres d’art et aux plus grandes institutions. Si même l’incontestable réussite de la Fondation Serralves (lire ci-contre) est un réel encouragement, bien qu’à ce jour ralenti par une érosion budgétaire du côté de l’État entamée bien avant les changements politiques, si même ici et là des villes ont pris à leur échelle de moyens des engagements réels, et si la nouvelle politique culturelle n’est pas encore lisible, il restera beaucoup à faire, dans un pays d’environ 11 millions d’habitants, pour donner au monde de l’art et à son public les ancrages culturels qu’on lui souhaite.
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Zoom sur la politique culturelle portugaise
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°352 du 9 septembre 2011, avec le titre suivant : Zoom sur la politique culturelle portugaise