collectionneur

Yvon Lambert s’installe à Avignon

L'ŒIL

Le 1 juillet 2000 - 586 mots

Yvon Lambert n’est pas homme à parler facilement de sa collection. Peu disert, les rares entretiens qu’il accorde brillent par le laconisme de ses réponses.

Difficile donc de savoir quand l’aventure de cette collection unique en France a véritablement commencé. Sans doute en même temps que sa passion de marchand, c’est-à-dire dans les années 60. Depuis, à force d’avoir accompagné les différents mouvements de l’art international (art minimal, art conceptuel, Land Art), Yvon Lambert s’est forgé une réputation de parfait connaisseur des tendances de la création contemporaine. Il est vrai qu’il fut le premier à défendre des artistes comme Carl Andre, Donald Judd, On Kawara à une époque où leur audience restait limitée. Il fut aussi l’un des rares marchands à s’être remis en question au début des années 80 en découvrant successivement Barceló, Blais, Combas puis en saluant le génie de Basquiat, Middendorf et Schnabel.

Au début des années 90, il se tourne vers la vidéo et la photographie en exposant régulièrement Nan Goldin, Andres Serrano ou Bernard Faucon. Autant avouer que son nom est désormais reconnu comme une sorte de label similaire à celui de Léo Castelli dans les années 60 et 70 ou de Marian Goodman dans les années 80. Cependant, être l’un des plus importants marchands d’Europe n’est pas sans susciter quelques jalousies. Certaines mauvaises langues se plaisent à murmurer que les choix de cet homme discret sont uniquement dictés par un sens des affaires hors pair.

Face aux œuvres de sa donation à Avignon, tout spectateur ne peut qu’être impressionné : Carl Andre, Robert Barry, Jean-Charles Blais, Christian Boltanski, Marcel Broodthaers, Daniel Buren, Donald Judd, Anselm Kiefer, Richard Long, Robert Mangold, Brice Marden, Agnès Martin, Giuseppe Penone... Et lorsque l’on découvre, ébahi, que cette sélection n’est que la première partie d’une présentation plus vaste intitulée « Rendez-vous », un certain vertige vous saisit. L’ensemble est en effet digne de figurer dans les meilleurs musées. La plus ancienne œuvre ? Un sublime Cy Twombly de 1959. La plus récente ? Une installation de Claude Lévêque de 1999.

Cette collection unique dans sa cohérence et sa richesse vient donc de s’installer pour près de 20 ans dans un ancien hôtel particulier d’où elle ne devrait plus bouger si la municipalité respecte toutes les dispositions édictées par Yvon Lambert. 1800 m2 ont été dégagés pour l’occasion. La scénographie bénéficie d’une réhabilitation exemplaire de Rudy Ricciotti, architecte marseillais qui a su créer ici de magnifiques volumes où la lumière habille avec douceur les plus imposantes pièces.

L’exposition actuelle se compose en fait de trois ensembles. Le premier de ceux-ci est constitué de la collection destinée à être léguée à la Ville. Elle comprend aujourd’hui près de 450 pièces. Elle est complétée de quelques œuvres prêtées à titre exceptionnel (dont deux magnifiques Basquiat) et qui, dès janvier 2001, regagneront les appartements parisiens du marchand. Enfin, une troisième partie est composée d’installations directement commandées à des artistes pour cette occasion. Lavier, Toroni, Sol LeWitt, Robert Barry réalisent ici des œuvres imposantes s’insérant parfaitement dans un parcours fluide. D’autres lieux, en d’autres temps, avaient déjà été pressentis. Aucun de ces projets n’avait pourtant abouti faute d’accord, faute de véritable volonté politique. En cette veille de vernissage, accompagné d’Éric Mézil, responsable de la collection, Yvon Lambert jette un regard détaché sur une collection dont il avait oublié certaines œuvres. Mais il est vrai que tout grand collectionneur se plaît à oublier certains de ses achats.

Hôtel de Caumont, 5, rue Violette, 84000 Avignon, tél. 04 90 16 56 20.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°518 du 1 juillet 2000, avec le titre suivant : Yvon Lambert s’installe à Avignon

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