Un aéroport au Lido, une base navale à Sant’Andrea, le célèbre Arsenal et une île entière dans la lagune, l’armée italienne vend ses possessions vénitiennes. Au total, 87 propriétés militaires sont mises sur le marché par le ministère italien de la Défense.
VENISE. Comme en France avec la suppression du service national, en Italie, intégration européenne et contraintes budgétaires obligent l’armée à des restructurations. Se défaire d’un pléthorique patrimoine immobilier est une des solutions retenues. À ce titre, le cas de Venise est exemplaire : sa lagune, son littoral et son territoire ont été l’objet d’une militarisation intense, aussi bien sous la domination napoléonienne que sous le gouvernement autrichien. Cette exceptionnelle présence militaire a encore été confortée par le royaume d’Italie et, bien évidemment, n’a pas été réduite pendant la période fasciste, ni à l’après-guerre, lorsque l’est du pays était perçu comme le front d’une possible agression soviétique. Le déclin de la présence militaire dans la région de Venise a pourtant commencé au cours des dix dernières années. Dans le meilleur des cas, il s’est manifesté par la transformation à usage civil de quelques casernes : l’installation de la Fondation Cini sur l’île de San Giorgio ou de la faculté d’Architecture dans le couvent des Tolentin, par exemple. Mais on a aussi vu l’armée abandonner terrains et bâtiments qui ont fini par tomber en ruine – que l’on songe seulement aux nombreuses installations sur les îles de la lagune.
Méthode de travail particulière
Les pouvoirs publics ont souvent pris l’habitude de demander à l’armée la cession de tel bien ou la suppression de telle zone militaire. Mais ici, à la surprise de l’Administration de la commune de Venise, le ministre de la Défense Beniamino Andreatta s’est présenté spontanément et a proposé un plan de démilitarisation quasi totale du territoire. Le ministre a pour objectif de “mettre sur le marché” 87 propriétés encore sous administration militaire. Parmi celles-ci se trouvent une île entière de la lagune, un aéroport au Lido de Venise, une base navale à Sant’Andrea, l’Arsenal lui-même, le fort Marghera et la caserne Matter, qui occupe un emplacement stratégique au centre de Mestre. Remarquable par son ampleur, l’opération l’est aussi par la méthode de travail du ministre. Soucieux de faire la preuve de ses compétences d’administrateur et d’économiste, il veut faire de l’opération vénitienne un modèle, applicable à nombre d’autres situations urbaines et territoriales en Italie. Beniamino Andreatta a proposé à la Commune d’effectuer, avec les consultants des Forces armées, une “réévaluation” de tous les biens militaires. En clair, de leur attribuer une destination urbanistique civile qui permette ainsi de fixer un prix de vente. Tout ce qui n’intéresse pas les pouvoirs publics – et, bien entendu, ce dont les Forces armées ne jugent pas opportun de se défaire pour des raisons stratégiques – sera donc mis sur le marché. Dès maintenant, le ministre propose un modèle de cession qui devrait éviter tout risque de libéralisation incontrôlée. Il pense aussi confier la charge de la cession des propriétés militaires à une société spécialisée, capable de s’adresser aux plus vastes marchés. Il est vrai que les biens mis en vente sont d’une telle importance que leur acquisition va nécessiter des capitaux hors du commun. Ce que le ministre de la Défense résume pudiquement en déclarant : "L’opération culturelle et l’opération financière doivent être considérées conjointement."
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Venise démilitarisée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°42 du 29 août 1997, avec le titre suivant : Venise démilitarisée