Alors qu’il fêtera son 83e anniversaire le soir même du réveillon de Noël, Pierre Soulages s’offre pour cadeau une nouvelle maison. Il quitte la galerie de France – où il n’avait plus exposé depuis dix ans ! – pour rejoindre celle de Karsten Greve et se retrouver ainsi en compagnie d’alter ego comme Cy Twombly, Louise Bourgeois, John Chamberlain ou Gotthard Graubner, sinon de plus jeunes comme Tony Cragg ou Loïc le Groumellec. La galerie Karsten Greve n’a pas qu’un pied à Paris, c’est tout un réseau qui s’étend de Cologne – son fief originel – à Milan en passant par Saint-Moritz, un maillage dont on sait tant la qualité de la programmation que l’efficacité économique. Depuis sa première exposition personnelle chez Lydia Conti en 1949, sa collaboration avec la Kootz Gallery à New York dans les années 1950-60 et toutes sortes d’autres aventures traversées ici et là, on serait tenté de dire – si c’était possible ! – que Pierre Soulages en a vu de toutes les couleurs. Avec Karsten Greve, il trouve là un marchand dont la réputation est à la hauteur de son talent et l’on peut parier sur la justesse d’un tel mariage.
Né à Rodez en 1919, Soulages compte parmi les artistes majeurs de la scène artistique internationale. Son choix d’une peinture qui se résume à l’utilisation d’une couleur monopigmentaire, le noir, et à ses jeux avec la lumière relève du souhait que « son œuvre rencontre un regard auquel il veut laisser indépendance et liberté » (Jean-Louis Andral). Dès 1948, l’artiste en avait posé le principe, affirmant qu’« une peinture est une organisation, un ensemble de relations entre des formes (lignes, surfaces colorées) sur lequel vient se faire et se défaire le sens qu’on lui prête ». Si, au fil du temps, le travail de la peinture l’a conduit à jouer d’accentuations diverses, la force et la grandeur du peintre restent de ne s’être jamais départi d’une telle exigence et d’un tel postulat. L’intitulé générique de Peinture qu’il a choisi de donner très tôt à chacune de ses œuvres le sanctionne tout aussi fortement que cette façon qu’il a pu avoir parfois d’accrocher ses toiles en suspension dans l’espace pour livrer au regard la peinture dans la plénitude de sa réalité physique. Rien n’est en effet plus important à l’esprit de l’artiste car « toute œuvre d’art se situe dans l’imaginaire et notre expérience de l’espace, celui que nous vivons et éprouvons tous les jours, s’y trouve inclus ».
Inaugurale de la nouvelle collaboration de Pierre Soulages avec la galerie Karsten Greve, l’exposition « Peinture 1999-2002 » est donc l’occasion de retrouver le peintre six ans après celle – magistrale – que lui avait consacrée le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Dans ses derniers travaux, le blanc y fait notamment comme un retour prononcé sous la forme de bandes souvent irrégulières et aux frontières accidentées. Jouant de confrontations avec le noir, celles-ci donnent à la lumière une place encore plus prépondérante, ne cantonnant plus la peinture au seul effet de « noir lumière », si caractéristique du style de Pierre Soulages. Non seulement du style mais de l’homme lui-même.
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Une nouvelle galerie pour Pierre Soulages
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°542 du 1 décembre 2002, avec le titre suivant : Une nouvelle galerie pour Pierre Soulages