La présence de 150 chercheurs au sein du bâtiment est la grande originalité du Musée de l’Homme.
Le troisième étage de l’aile Passy est un long couloir courbe, aveugle, relativement étroit, qui tranche avec la lumineuse Galerie de l’Homme du niveau inférieur. À droite et à gauche se succèdent à l’infini bureaux et salles d’expérimentation. Il y a six mois, près de 150 chercheurs, un à quatre par salle, ont réintégré des lieux qui étaient déjà leur espace de travail avant la grande rénovation. Pourtant, ils ne descendent presque plus dans les réserves. Pourquoi héberger 3 300 mètres carrés de bureaux dans l’un des plus beaux bâtiments de Paris, au Trocadéro, quand l’exposition permanente se déploie sur une moindre surface ? Parce que la présence de ces scientifiques dans les murs du musée est l’héritage de sa tutelle historique, le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN).
Professionnalisation des méthodes
Ils sont spécialistes en anthropologie génétique, en ethnobiologie, en archéozoologie ou en ethnomusicologie. Cet amour des néologismes est emblématique de la transversalité du projet initial de « musée-laboratoire » de Paul Rivet (lire p. 8). Dès 1938, détachés du CNRS ou de l’Université, ils venaient étudier et enseigner au Musée de l’Homme, disposant au sous-sol de la matière première de leurs recherches. Or, deux évolutions ont modifié leur activité, sans que ni leur statut ni leur place ne changent. D’abord, la faiblesse des moyens d’acquisition a engendré un vieillissement rapide des collections comme de leur intérêt scientifique, d’autant que l’ordinateur a changé les procédés de recherche.
Parallèlement, les professionnels de la conservation préventive et de la muséologie sont arrivés et ont mis en place de nouvelles méthodes. Sur le papier, ils ont permis aux chercheurs d’économiser le temps de la diffusion et de la conservation tout en professionnalisant ces pratiques. Pour certains, sans doute plus jaloux de leurs prérogatives, ces acteurs ont dénaturé le contact entre le chercheur et l’objet, brouillant un peu plus l’image du musée. Bon an mal an, la présence des chercheurs au sein du Musée de l’Homme a perdu de sa pertinence au long des années. Au terme de la grande crise des années 1990 (lire p. 10), qui s’est conclue par le traumatisant transfert des collections au Musée du quai Branly, les chercheurs sont repartis au siège du Muséum ou dans leur université d’origine, actant la fin du projet de Rivet.
Mais c’est paradoxalement depuis le Jardin des plantes qu’ils ont pris à nouveau part à l’activité du musée, en concevant aux côtés de l’équipe muséologique la « Galerie de l’Homme ». Sans politique d’acquisition, donc sans matière première nouvelle, le musée a choisi de se focaliser sur l’idée plus que sur l’objet. La participation des scientifiques se mesurera alors à la profondeur du propos et aux différents niveaux de lecture permis.
De fait, le projet intellectuel du nouveau Musée de l’Homme replace les chercheurs au cœur de la diffusion : ils doivent organiser des expositions temporaires, des forums, et surtout faire de l’accrochage permanent un reflet sans cesse actualisé de la science. Témoin le rendez-vous donné au « balcon des Sciences », espace créé sous la verrière originelle de Davioud, où deux chercheurs viendront chaque semaine évoquer devant un public leurs travaux en cours.
Ce rapport repensé entre diffusion et recherche pourrait s’épaissir avec le rapatriement de certaines sociétés savantes parties au Quai Branly…
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Un musée-laboratoire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°443 du 16 octobre 2015, avec le titre suivant : Un musée-laboratoire