Le centre de Pierrefitte-sur-Seine, dernier grand chantier culturel entièrement financé par l’État,
a été boudé par le ministre de la Culture.
PIERREFITTE-SUR-SEINE - Il y avait la foule des grands jours, le 14 janvier, sur le site du futur Centre des archives nationales à l’occasion du traditionnel « gigot-bitume » de fin de gros œuvre, réunissant élus locaux et acteurs du chantier – dont quelque 300 ouvriers – à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). Malgré l’ambiance festive, une absence a toutefois été très remarquée. Annoncé dès le début du mois de janvier, Frédéric Mitterrand a préféré se faire représenter par son directeur général des Patrimoines, Philippe Bélaval (qui a jadis exercé les fonctions de directeur des Archives de France) et par deux membres de son cabinet. Le ministère de la Culture est pourtant le maître d’ouvrage de ce grand projet d’un coût de près de 200 millions d’euros, qui est aussi le dernier chantier culturel à être financé dans son intégralité par l’État.
Délais respectés
Mais la résistance aux injonctions de la Rue de Valois de l’intersyndicale qui mène la fronde contre le projet d’implantation de la Maison de l’histoire de France (MHF) sur le site historique des Archives nationales, à Paris (lire ci-dessous), serait à l’origine de la bouderie du ministre. De quoi donner raison aux adversaires de la MHF qui craignent un amalgame entre cette future institution, déjà connotée politiquement, et la grande entreprise de refondation des Archives nationales lancée en 2004 (lire le JdA no 316, 8 janvier 2010, p. 20), dont le centre de Pierrefitte n’est que la partie émergée de l’iceberg. Tous les ingrédients sont pourtant réunis pour faire du futur Centre des archives nationales de Pierrefitte le chantier culturel emblématique du premier mandat de Nicolas Sarkozy – et surtout l’un des seuls qu’il pourra inaugurer. S’il a été lancé en mars 2004 par son prédécesseur, Jacques Chirac, le chantier a jusqu’à présent été mené dans le respect des délais, soit une exception en matière de projets culturels. Son implantation en proche banlieue, à proximité de l’université Paris-VIII Saint-Denis sur un vaste terrain situé entre quartiers pavillonnaires et grands ensembles de logements, en fait aussi « le premier chantier du Grand Paris », comme l’a souligné avec sagacité l’architecte du projet, Massimiliano Fuksas. Le bouillonnant Italien, capable de s’exclamer au cours de cette visite officielle, en présence des responsables de Bouygues Bâtiment Ile-de-France, l’entreprise constructrice du bâtiment, « mais qu’est-ce que c’est que cette merde ! » en désignant un châssis peu à son goût, est aussi l’un des autres atouts de ce projet auquel il appose sa signature de vedette de l’architecture internationale.
Symbole politique
Les élus locaux, qui attendent beaucoup de ce chantier pour revitaliser leurs territoires longtemps boudés par les institutions régaliennes, n’y sont pas indifférents. Quitte à assumer la confusion des genres quand Michel Fourcade, maire de Pierrefitte-sur-Seine, regrette dans son discours l’absence de restaurant panoramique sur la terrasse du bâtiment de stockage des Archives nationales… Ce centre d’archives ne sera pourtant que partiellement ouvert au public, 75 % des espaces étant dédiés à des fonctions de conservation. Mais ce hiatus quant à son contenu culturel confirme aussi le poids du symbole politique du lieu, qui devrait être livré début 2012 pour une inauguration par Nicolas Sarkozy avant la prochaine échéance présidentielle, sa mise en service étant prévue en 2013. Pour l’heure, le centre de Pierrefitte n’est encore qu’un vaste vaisseau de béton en attente de sa peau d’aluminium, conjuguant un bâtiment de stockage de dix étages et six espaces satellites, destinés à assurer les différentes fonctions de l’institution. 360 kilomètres linéaires d’archives provenant des administrations centrales de l’État depuis 1790 pourront y être entreposées afin de délester les deux autres sites totalement saturés occupés par les Archives nationales, à Fontainebleau et Paris, conformément au projet lancé en 2004 après de longues années de réflexion, qui comprend aussi un vaste chantier de dématéralisation des fonds.
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Un grand projet exemplaire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°339 du 21 janvier 2011, avec le titre suivant : Un grand projet exemplaire