Si le ministère de la Culture a annoncé un budget en hausse lors de la présentation du projet de loi de finances 2011, la réalité semble tout autre. Décryptage des chiffres annoncés et des méthodes utilisées par la Rue de Valois pour masquer une baisse de son budget.
PARIS - En ces temps difficiles, pourquoi ne pas devenir un adepte de la méthode Coué ? Et marteler que son budget augmente alors que tous les indicateurs sont plutôt à la baisse. Car, compte tenu de l’inflation (1,8 %), parler de stagnation aurait été plus honnête, quoique déjà optimiste. Mais comme tous ses prédécesseurs, Frédéric Mitterrand n’a pas dérogé à la règle, le 29 septembre, lors de la présentation du projet de loi de finances de son ministère pour 2011 (PLF 2011). Les chiffres du précédent PLF ont beau le démentir – mais les gels sont aussi passés par là –, le ministre de la Culture s’est félicité sans sourciller, dans un exercice de désinformation désormais bien rodé par les conseillers de la Rue de Valois, d’un budget en hausse de 2,1 %, chiffre largement dopé par la mission « médias ». Il faut dire que le changement de la structure administrative du ministère en a modifié le périmètre et donc la maquette budgétaire, faisant notamment passer dans le giron de la mission « médias » – transférée récemment de Matignon – le livre, et donc les enveloppes de quelques gros opérateurs comme la Bibliothèque nationale de France ou la Bibliothèque publique d’information. De quoi brouiller aisément la compréhension des documents lacunaires remis à la presse. Pour la seule mission « culture », ce sont donc 2,67 milliards d’euros en crédits de paiement qui devraient être débloqués en 2011, contre 2,9 milliards d’euros annoncés l’an passé soit, si les documents transmis à la presse sont fiables, une baisse de près de 8 % ! Mais le talent en cryptage des communicants du ministère n’autorise aucune analyse sérieuse de ces annonces. Seule certitude, la programmation trisannuelle publiée par Bercy prévoit une stabilisation des crédits de la mission « culture » jusqu’en 2013, de quoi faire dire au ministre que « l’État culturel est ainsi préservé ».
Baisses sensibles
Quelques tendances émergent toutefois. Le programme « patrimoine » accuse une sérieuse décrue avec 868 millions d’euros en crédits de paiement contre 1 248 millions inscrits en loi de finances initiale pour 2010. Sur cet ensemble, 375 millions d’euros sont annoncés pour les monuments historiques, y compris la taxe sur les jeux en ligne – qui concerne en réalité uniquement le poker – dont nul ne sait pourtant ce qu’elle rapportera vraiment. Les grands opérateurs, qui continueront à subir des audits flashes dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques – notamment cette année le Louvre, Orsay et Versailles – absorberont 280 millions d’euros, confirmant ainsi la baisse de 5 % déjà annoncée, qui atteindra 10 % dès 2012. Les budgets d’acquisition pour les collections nationales accusent de leur côté un repli de 12 %. Du côté des grands projets, si le ministère affirme ne pas avoir renoncé, seuls les chantiers déjà engagés et proches de leur achèvement seront réellement financés : le centre des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine (54 millions), le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée de Marseille (27,4 millions), le Musée Picasso, à Paris, qui loue par ailleurs ses collections à travers le monde pour 3 millions d’euros par étape. La Philharmonie, que Nicolas Sarkozy avait pourtant soutenu lors de ses vœux au monde culturel en janvier dernier, semble en revanche mise en berne. Les seuls grands gagnants de ces annonces sont les arts plastiques, qui accusent une hausse de 18 % de leur dotation, due notamment à la confirmation du projet du Palais de Tokyo qui bénéficiera d’une enveloppe de 13 millions d’euros. Le cycle des grandes manifestations (dont notamment « Monumenta ») a par ailleurs été confirmé. De son côté, noyée dans une mission qui comprend toutes les dépenses de personnel du ministère ainsi que ses fonctions « supports », l’éducation artistique et culturelle devrait bénéficier de 30 millions d’euros. Soit le montant des loyers annuels payés (dont 2,4 millions dans le privé) par un ministère qui devra réduire son train de vie.
Le rabot sur les niches fiscales a enfin largement épargné le secteur culturel. Seul le dispositif Malraux, qui permet de défiscaliser les travaux sur des immeubles situés dans des centres anciens, ainsi que les travaux sur des objets mobiliers classés, seront rabotés à hauteur de 10 %, soit une économie de… 1,1 million d’euros. Les réductions d’impôts sur les sociétés au titre du mécénat, dont le ministère du Budget n’a toujours pas publié d’étude d’impact sur les finances publiques, semblent avoir été préservées. Mais, au Parlement, le débat autour de ce projet de loi ne fait que commencer… Annoncé par François Baroin, ministre du Budget, le gel des dotations aux collectivités territoriales, qui bloquera de nombreux investissements en régions, devrait notamment être voté dans la douleur. On comprend mieux pourquoi Frédéric Mitterrand s’est hâté d’annoncer, début septembre, un plan d’investissement en faveur des musées régionaux mettant ainsi à l’abri du gel de Bercy 79 établissements.
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Un budget en trompe-l’oeil
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°332 du 8 octobre 2010, avec le titre suivant : Un budget en trompe-l’oeil