Bilan

Évasion fiscale

UBS tire profit d’Art Basel Miami Beach

La banque suisse UBS s’est servie de la foire d’art contemporain Art Basel Miami Beach pour inciter des clients américains à ouvrir des comptes « offshore ».

Par Martha Luftkin · Le Journal des Arts

Le 14 octobre 2008 - 857 mots

MIAMI / ETATS-UNIS

Principal sponsor de la foire Art Basel Miami Beach, la banque suisse UBS est soumise à une investigation menée par les autorités américaines. L’établissement bancaire aurait parrainé de nombreuses manifestations aux États-Unis, parmi lesquelles la foire d’art contemporain de Floride, dans le seul but de rallier de nouveaux clients fortunés et de les convaincre d’ouvrir des comptes offshore, les incitant ainsi à l’évasion fiscale.

Le Miami Convention Centeroù se déroule la foire© Art Basel

MIAMI - Le 17 octobre, Bradley Birkenfeld, un banquier américain âgé de 43  ans, sera condamné pour le rôle qu’il a joué dans une affaire de fraude fiscale orchestrée par UBS (Union des banques suisses). La banque aurait profité d’Art Basel Miami Beach, la foire d’art contemporain qu’elle sponsorise depuis 2002, pour y courtiser de nouveaux clients fortunés.
Bradley Birkenfeld a reconnu devant une sous-commission du Congrès américain que la banque suisse parrainait de grandes manifestations américaines telle Art Basel Miami Beach dans le but stratégique d’encourager des contribuables étatsuniens à ouvrir des comptes échappant à l’impôt américain. Le banquier a plaidé coupable devant un tribunal fédéral de Floride au mois de juin, pour conspiration d’escroquerie fiscale à l’encontre des États-Unis et de l’Internal Revenue Service (IRS). Les activités de l’UBS sont détaillées dans un rapport rendu par la sous-commission permanente du Sénat (SPSI) en juillet, rapport qui examine le rôle des banques installées dans des paradis fiscaux en faveur de l’évasion fiscale de contribuables américains.
Le rapport de la SPSI revient sur huit cas de mauvaise gestion, incriminant l’UBS ou encore la LGT Bank – l’établissement de la famille princière du Liechtenstein. Ces banques ont poussé leurs clients américains à ouvrir des comptes bancaires offshore et les ont aidés à dissimuler ces comptes et leurs revenus aux yeux des autorités américaines. Ainsi Bradley Birkenfeld a-t-il aidé l’Américain Igor Olenicoff à dissimuler les 7,2 millions de dollars [5,3 millions d’euros] de taxes qu’il devait sur ses 200 millions de dollars d’actifs déposés au total en Suisse et au Liechtenstein. Les banquiers suisses d’UBS « ont pris pour cible des clients américains, ils ont voyagé de par le monde à la recherche de personnes fortunées et ils ont harcelé des contribuables américains qui n’auraient sans doute jamais ouvert des comptes en Suisse autrement », avance le rapport. En ont résulté des comptes de contribuables américains « qui, réunis, affichaient des milliards de dollars d’actifs déclarés à l’IRS ». La banque proposait des produits et des services sur le territoire américain que ses employés suisses n’étaient pas en droit de fournir. La réglementation bancaire et financière américaine interdit à tout banquier étranger dépourvu d’une licence spéciale de faire affaire sur le territoire. Cette interdiction s’applique à toute campagne publicitaire ou marketing, et à tout démarchage visant à obtenir de nouveaux clients ou à entretenir une clientèle déjà établie via courriers électroniques et postaux, fax ou téléphone. Le rapport indique qu’entre 2002 et 2008 les comptes de clients américains et canadiens d’UBS en Suisse sont passés de 11 000 à 20 000 pour les seuls États-Unis, le tout représentant une croissance d’actifs nets évaluée entre 17,9 milliards de dollars et 20 milliards de dollars. D’après le rapport, l’évasion fiscale représente une perte annuelle de 100 milliards de dollars pour l’État américain.

Carte de visite à l’appui
Dans son témoignage, Bradley Birkenfeld a déclaré qu’UBS autorisait et prenait en charge des voyages d’affaires « de prospection » aux États-Unis, déplacements au cours desquels plus de quatre-vingts banquiers de Lugano, Genève et Zurich partaient à la chasse au client en usant de techniques de marketing direct. La banque fournissait les billets d’entrée et autres fonds nécessaires pour participer aux événements auxquels assistent les plus fortunés, tout en parrainant des manifestations américaines susceptibles d’attirer une clientèle nantie, parmi lesquelles Art Basel Miami Beach. Bradley Birkenfeld décrit la facilité avec laquelle les banquiers profitaient de ces manifestations pour faire affaire, arguant qu’il « n’était pas difficile de prendre part aux festivités » à l’aide d’une simple carte de visite. Ajoutant : « quand les gens ne payent pas » de droits de succession ou d’impôts sur le revenu ou sur les plus-values, « il leur est très facile de vous confier des fonds ».
S’appuyant sur les archives de la Homeland Security (département de la Sécurité intérieure), l’enquête de la sous-commission a établi qu’au moins cinq conseillers en clientèle d’UBS avaient voyagé aux États-Unis à des dates coïncidant avec celles de la foire Art Basel Miami Beach. La plupart de ces conseillers ont déclaré sur leurs fiches d’immigration complétées à la douane américaine qu’il s’agissait de voyages d’agrément.
Si les deux banques n’ont, techniquement, pas failli à leurs obligations vis-à-vis du gouvernement américain, elles ont, dans les faits, aidé à dissimuler des comptes de l’IRS, facilitant ainsi l’évasion fiscale, indique la SPSI. Le rapport exige du Congrès d’engager des réformes, dont une qui réclamerait des banques étrangères de déclarer les revenus de ses clients américains. UBS a mis fin à tous les déplacements de ses employés suisses aux États-Unis, et a instauré des règles plus restrictives. Une révision interne est en cours et la banque coopère avec la SPSI dans son enquête. Contactée, l’UBS n’a pas souhaité faire de commentaires.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°289 du 17 octobre 2008, avec le titre suivant : UBS tire profit d’Art Basel Miami Beach

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