Chine - Politique

Tibet : Pékin durcit sa loi

Par Jonathan Napack · Le Journal des Arts

Le 1 décembre 2000 - 482 mots

Après les dévastations de la Révolution culturelle, la Chine avait épargné le patrimoine tibétain. Mais, face aux résistances à l’assimilation, Pékin semble avoir changé de stratégie.

LHASSA - Le gouvernement chinois, qui avait jusqu’alors tendance à protéger les vestiges culturels tibétains, a considérablement raffermi sa politique contre le «séparatisme» en s’en prenant à toutes les manifestations de la culture tibétaine. Selon des rapports récents provenant de Lhassa, capitale de la Région tibétaine autonome (TAR) – de nombreuses régions ont déjà été annexées aux provinces chinoises avoisinantes du Qinghai, du Yunnan et du Sichuan –, une grande partie de la zone autour de Barkhor Square, le centre de la cité, a été clôturée, apparemment (mais sans certitude) dans un objectif de démolition. Une grande partie de la vieille ville a déjà subi le même sort, sans que l’on puisse y attribuer une cause certaine – corruption ou politique officielle. Ces événements succèdent à l’expulsion en août du Fonds pour le patrimoine tibétain, une organisation non gouvernementale (ONG) dédiée à la conservation de l’architecture tibétaine. Son fondateur, André Alexander et son collaborateur Pimpim de Azevedo ont été expulsés, sans autre forme de procès, à la suite de diverses accusations. On leur a reproché d’avoir présenté une déclaration inexacte pour enregistrer leur association, d’avoir imprimé illicitement leur brochure et engagé des travaux de restauration sans autorisation officielle. Seuls deux membres du personnel, respectivement citoyens américain et japonais, ont eu le droit de rester afin de fermer leur bureau.

Créé en 1996, le Fonds collaborait avec le bureau des Vestiges culturels de Lhassa depuis 1997. Lors de 76 restaurations – sur des bâtiments dont les plus anciens remontent au VIIe siècle –, 270 artisans locaux ont mis en œuvre des techniques et matériaux traditionnels, contribuant à préserver des savoir-faire en voie de disparition. Son premier mécène a été le gouvernement allemand, qui lui avait fait un don de 500 000 deutschemarks (1,6 million de francs), tandis que la France et le prince Charles l’ont également soutenu.

Le rejet par les autorités chinoises des interventions de l’ambassadeur américain Joseph Prueher et de l’ambassadeur allemand Hans-Christian Überschär ont scellé le sort de l’organisation. La fuite humiliante du Karmapa Lama – la figure religieuse emblématique du Tibet – en janvier n’a fait qu’accélérer la chute du Fonds. Frustré par son échec à asseoir son autorité, le gouvernement chinois est apparemment revenu sur sa politique précédente, qui consistait à séduire à la fois les Tibétains et les étrangers par ses travaux de restauration. De nombreux monastères détruits durant la Révolution culturelle avaient été restaurés, souvent à grands frais, sans rencontrer la reconnaissance des Tibétains. La stratégie gouvernementale entendait faire du Tibet une “vitrine” touristique tout en réduisant les Tibétains à une minorité déracinée – comme l’ont fait, par exemple, les États-Unis avec Hawaii. Mais la politique de Pékin ne trompe pas : étouffante, elle tend en réalité vers l’intégration forcée.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°116 du 1 décembre 2000, avec le titre suivant : Tibet : Pékin durcit sa loi

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