Un rapport commandé par les pouvoirs publics formule plusieurs avis pour professionnaliser le secteur culturel. De belles intentions handicapées par un manque de ciblage.
Le b.-a. ba du marketing est la définition de la cible. Le rapport remis par Steven Hearn à Aurélie Filippetti et Arnaud Montebourg, « Développer l’entrepreneuriat culturel », est plein de bonnes intentions mais risque de manquer d’efficience à cause d’un trop grand flou sur les entreprises concernées. En mettant dans un même sac les sociétés de presse, les exploitants de salles, les agences de relations publiques, les galeries d’art et les sociétés de production, le rapport cible des professions aux préoccupations très diverses et de taille très variable, qui requièrent nécessairement des solutions différentes.
En agrégeant sans les segmenter toutes les entreprises du secteur – dont le nombre est évalué à 157 000 –, il laisse à penser que les gains en croissance et emplois, les deux objectifs majeurs du gouvernement, peuvent être importants. Ce faisant, il fait écho au rapport commandé par les deux mêmes ministres de la Culture et de l’Économie et publié en décembre 2013 sur le PIB culturel de la France, lequel serait 6,7 fois supérieur à celui de l’industrie automobile. Les intentions sont claires, montrer le poids économique de la Culture pour mieux négocier budget et dispositifs avec Bercy. Mais en agglomérant des activités qui ne relèvent pas tout à fait de la Culture, ce PIB culturel ressemble à la grenouille de La Fontaine.
Métiers différents
Le rapport Hearn pointe ainsi le manque de professionnalisation des entreprises culturelles, écartelées entre une nécessaire désorganisation propre aux activités de création et l’économie du divertissement, qui ne supporte plus l’amateurisme. Et il ne cesse de marteler que « les fondamentaux de la gestion et du processus d’investissement doivent s’appliquer aux entreprises du secteur culturel ». Ce n’est pas faux pour un organisateur débutant de tournées théâtrales, mais inexact pour une galerie de la rue de Seine ou une agence de publicité sise sur les Champs-Élysées.
Les recommandations sont « de bon sens », mais on peut se demander ce que les ministres vont pouvoir en faire. Mieux faire connaître les entrepreneurs culturels pour faciliter leur dialogue avec les diverses agences françaises ou européennes d’aide aux entreprises est une bonne idée, mais comment communiquer simplement sur des métiers si différents ?
Accompagner la transformation du statut associatif choisi par de nombreuses entreprises culturelles vers le statut de société coopérative et participative (SCOP) : pourquoi pas mais combien sont-elles à être potentiellement concernées ? Demander à la Banque publique d’investissement de financer 200 millions d’euros sur cinq ans, via des mécanismes spécifiques pour ces entreprises : excellent, mais l’argent n’ira-t-il pas uniquement à des entreprises reconnues qui ont déjà accès aux autres dispositifs ?
Il est dommage que le rapport ne cite qu’en note le Fonds d’avances remboursables aux galeries d’art (Farga), car il s’agit là d’une bonne initiative. Ce fonds annoncé par la ministre en octobre 2013 vient d’être approuvé par l’Institut pour le Financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), qui gère le dispositif.
La probable difficulté de la réalisation de la 7e recommandation : « encourager la création d’une représentation des entrepreneurs culturels », qui ne dépend pourtant pas des pouvoirs publics et ne coûte pas un centime, sera un bon révélateur du manque de ciblage des propositions en direction de bénéficiaires homogènes. Quant à la mise en œuvre des autres recommandations, la formulation du communiqué des deux ministres ne laisse présager rien de très constructif : « Les Ministres ont prêté une attention particulière aux points suivants en souhaitant leur apporter un appui particulier […]. »
Cette imprécision sur le ciblage étonne de la part de l’auteur du rapport. Steven Hearn possède et dirige en effet avec succès l’agence de conseil et d’ingénierie culturelle Le troisième pôle, qui gère aussi par délégation des manifestations ou lieux culturels tels que La Gaîté-Lyrique, l’ex-Centre Pompidou mobile ou la Biennale d’art contemporain de Rennes. À titre personnel, Steven Hearn est également le gérant de la revue Mouvement, connue des amateurs du spectacle vivant, qui a malheureusement été mise en liquidation judiciaire fin mai.
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Abonnez-vous dès 1 €Steven Hearn © David Lindor
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°417 du 4 juillet 2014, avec le titre suivant : Soutenir l’entrepreneuriat culturel