Questions d’actu : Nicolas Bourriaud

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 18 avril 2013 - 625 mots

Fin avril, les galeries d’exposition de l’École des beaux-arts de Paris, face au Louvre, reprennent leur nom historique de « Palais des beaux-arts » et inaugurent une nouvelle programmation.

Isabelle Manca : Vous inaugurez un espace d’exposition entièrement repensé, pourquoi lui rendre son nom d’origine, celui de Palais des beaux-arts ?
Nicolas Bourriaud : Renouer avec le nom originel du bâtiment fait partie d’une stratégie d’ensemble qui consiste à inventer les Beaux-Arts de demain en puisant dans son ADN. Depuis sa création, au XVIIe siècle, l’école a pour vocation la transmission de l’art par la confrontation avec les œuvres et les artistes. Aujourd’hui, nous souhaitons générer ce type de rencontres en créant un véritable centre d’art, qui possède une logique autonome, mais qui irrigue aussi la vie de l’école, à travers une programmation culturelle et des workshops. Cette nouvelle politique répond également à un autre enjeu : mettre davantage à disposition des visiteurs et des étudiants nos collections, ce qui relève de notre mission de service public.

I.M. : Combien de pièces compte cette collection ?
N.B. : Nous conservons 450 000 œuvres d’art, dont une incroyable collection de dessins, la deuxième en France après le Louvre. Nous travaillons par ailleurs à l’enrichissement de notre collection, en renouant avec une tradition abandonnée après Mai 68, le dépôt d’œuvres de la part de certains de nos artistes diplômés. Au cours des dernières décennies, des artistes de premier plan ont été formés aux Beaux-Arts et nous souhaitons en conserver la trace. Nous comblons donc progressivement cette lacune, sur la base de dons volontaires.

I.M. : En quoi consiste la nouvelle programmation ?
N.B. : Chaque exposition sera un ensemble thématique divisé en quatre sections : les collections, une exposition collective d’art contemporain, une monographie dédiée à la relecture de l’œuvre d’un artiste méconnu – Glauco Rodrigues pour la première édition – et un espace dévolu aux étudiants et aux diplômés. Le premier thème, celui de l’histoire, réunit ainsi des œuvres anciennes sur le sujet de la ruine et des pièces contemporaines traitant, entre autres, de la notion de fragment historique. Le principe étant qu’à partir d’un mot clef, notre équipe curatoriale développe plusieurs points de vue différents.
Cette démarche vise aussi à assurer une meilleure visibilité à nos élèves et à nos diplômés. C’est d’ailleurs l’une de nos ambitions : être le premier agent de nos artistes, en facilitant la délicate transition entre le statut d’étudiant et la vie active.

I.M. : Ne craignez-vous pas de dérouter votre public traditionnel ?
N.B. : Nous faisons le pari d’un public exigeant qui s’intéresse autant à l’histoire de l’art qu’à la création contemporaine ; nous n’allons évidemment pas vers la facilité. Il ne s’agit pas d’expositions blockbusters, mais d’un parti pris singulier, d’une programmation ambitieuse susceptible d’accroître le rayonnement de l’école, notamment à l’étranger.

I.M. : Comment les galeries d’exposition ont-elles été aménagées ?
N.B. : Ce superbe bâtiment du XIXe siècle avait été dénaturé, entièrement recouvert de cimaises blanches. Les travaux ont donc cherché à effacer tous les signes du white cube pour retrouver l’intégrité du lieu, tel que Duban l’avait conçu. Dans cet espace repensé, nous avons ensuite installé une scénographie immuable, dans laquelle vont s’insérer les différents projets. Ce réaménagement a été réalisé par le scénographe Alexis Bertrand et l’agence d’architectes Neufville-Gayet, et a bénéficié du soutien de deux partenaires : Lanvin et Nespresso France, également mécènes de la première exposition.

Repères

Critique d’art, cofondateur du Palais de Tokyo et inspecteur de la création artistique, Nicolas Bourriaud dirige l’ENSBA depuis 2011.

ENSBA

L’École nationale supérieure des beaux-arts (ENSBA) est un établissement public à caractère administratif, sous la tutelle du ministère de la Culture. Elle accueille environ 500 élèves sur son site de deux hectares.

25 000

C’est le nombre de visiteurs pour les expositions les plus fréquentées de l’ENSBA.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°657 du 1 mai 2013, avec le titre suivant : Questions d’actu : Nicolas Bourriaud

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