Qu’apporte le label Unesco à Odessa ?

Odessa. Des bombes sont encore tombées dans la province d’Odessa fin janvier : si la ville portuaire était plutôt éloignée du front au déclenchement du conflit par la Russie, ses infrastructures énergétiques sont désormais visées par l’armée de Vladimir Poutine. Alors que Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères, s’y est rendue le 26 janvier, la veille, Odessa était inscrite sur la liste du patrimoine mondial en péril, lors d’une réunion extraordinaire du Comité du patrimoine mondial. La distinction de l’Unesco est l’aboutissement d’un processus commencé l’été dernier par le gouvernement ukrainien.

En mettant ainsi la lumière sur la ville fondée par Catherine II, l’Unesco compte éviter des destructions patrimoniales. « Je pense que c’est un élément symbolique important, estime Krista Pikkat, directrice de l’entité Culture et Situation d’urgence à l’Unesco. Du prestige et une attention internationale sont donnés à ce site. On l’a vu – et même la Fédération de Russie en a parlé – : aucun site du patrimoine mondial n’a été touché pendant la guerre, l’inscription leur donne une protection supplémentaire. » Les premières actions de l’Unesco en Ukraine, et en particulier à Odessa, misaient ainsi sur le capital symbolique des sites du patrimoine mondial, en distinguant ces biens par la signalétique du « bouclier bleu », dès mars 2022. « Les parties font plus attention, note Krista Pikkat, les deux États sont signataires de la Convention, qui oblige à une protection de ce patrimoine. »

Outre l’aura protectrice de la liste du patrimoine mondial, cette inscription permet à Odessa d’obtenir un soutien de l’organisation onusienne qui peut mobiliser son réseau d’experts afin de contribuer à la préservation du centre historique. Dès la phase de préparation du dossier, l’Unesco a pu mettre les autorités locales en relation avec des experts italiens et grecs afin de constituer une candidature dans un délai très court. « En ce qui concerne le futur travail de l’Unesco à Odessa, la formation aura une place très importante », indique Krista Pikkat. L’Unesco a, depuis un an, l’expérience de l’organisation de sessions de formation en Ukraine, malgré le conflit.

« Victoire diplomatique » pour l’exécutif ukrainien, cette inscription est interprétée comme une « décision politique » par le représentant de la Fédération de Russie au Comité du patrimoine mondial, qui dénonçait un « dossier superficiel » lors de la session extraordinaire du comité. Bien que préparé dans l’urgence du conflit, le dossier de candidature ne laisse « aucun doute en ce qui concerne la Valeur universelle exceptionnelle (VUE) du bien », estime Krista Pikkat. L’Icomos – organe d’évaluation de l’Unesco – valide également la VUE du bien, tout en enjoignant l’État ukrainien de mener un inventaire précis des bâtiments du centre-ville, et surtout à revoir les délimitations du site. L’Icomos considère en effet que l’inclusion du port, où ne subsiste aucun bâtiment ancien, est injustifiée, et aimerait en revanche voir le périmètre s’étendre à l’intégralité du centre historique. Dans l’hypothèse d’une annexion russe, la présence de ce port stratégique dans le périmètre permettrait à ce dernier d’être considéré comme un bien ukrainien, à l’instar des sites du patrimoine mondial en Crimée.