Lors de l’attaque russe en juillet dernier, le centre-ville d’Odessa a été durement touché malgré son inscription récente au patrimoine mondial par l’Unesco.
Odessa. Relativement épargnée par les attaques russes en 2023, la ville d’Odessa a reçu une pluie de missiles entre le 20 et le 23 juillet. D’après le site d’information indépendant Meduza, dix-neuf missiles ont frappé le centre-ville, tirés par des batteries d’artillerie en Crimée et par des avions positionnés en mer Noire. Si neuf missiles ont été détruits par la défense anti-aérienne, les autres ont touché des bâtiments classés dont la cathédrale de la Transfiguration [voir ill.], inscrite sur la liste du patrimoine mondial. L’Unesco avait en effet accepté l’inscription de plusieurs sites du centre-ville d’Odessa en janvier 2023 à la suite d’une demande en urgence de l’Ukraine.
Les autorités locales font état de dommages sur la Maison des scientifiques, un bâtiment néoclassique de 1923 et sur plusieurs musées, dont le Musée archéologique et le Musée local de la littérature. Mais le bâtiment le plus endommagé reste la cathédrale de la Transfiguration. Selon Meduza, un seul missile est tombé sur la cathédrale provoquant d’importants dégâts et entraînant un incendie. D’après plusieurs témoins, l’intérieur du bâtiment est en ruine : « Tous les décors (pierres et stuc) sont pratiquement détruits », déplore le recteur de la cathédrale. Le maire d’Odessa a par ailleurs déclaré, au vu des dégâts et des risques d’effondrement, qu’« il faudrait probablement abattre certains murs endommagés ». Des colonnes de l’autel semblent également très fragilisées. Le gouverneur de la province d’Odessa a aussi souligné, sur les réseaux sociaux, le rôle des pompiers qui ont sauvé des flammes l’iconostase en marbre et ses icônes. L’icône Kasperovskaya « de la mère de Dieu » a ainsi pu être mise à l’abri, une icône considérée comme « la sainte patronne de la ville », selon les autorités religieuses.
Si le bâtiment actuel date des années 2000, la cathédrale a été fondée en 1794 et a connu une histoire mouvementée qui explique son importance aux yeux des Ukrainiens. Détruite sur ordre de Staline en 1936 lors des purges, elle a été reconstruite en béton grâce à un financement local entre 1999 et 2003. Le statut de la cathédrale a lui aussi évolué car jusqu’en 2022 elle était rattachée au patriarcat de Moscou (Église orthodoxe ukrainienne) et avait été consacrée, en 2010, par le patriarche Kirill en personne. En mai 2022, l’Église orthodoxe ukrainienne a fait sécession, une décision depuis dénoncée par la Russie qui revendique le diocèse de cette cathédrale.
C’est dans ce contexte dramatique que l’Unesco a réagi, dès le 21 juillet, en rappelant fermement le statut dont bénéficient les monuments : « Perpétrée deux semaines seulement après celle qui a détruit un bâtiment historique à Lviv, cette attaque est la deuxième touchant une zone protégée par la Convention du patrimoine mondial, en violation de la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé. » Par ailleurs, tous les bâtiments touchés étaient marqués du « Bouclier bleu » [emblème indiquant la protection de la Convention de La Haye de 1954], ce que la Russie ne pouvait ignorer selon l’Unesco : « Ces attaques sont en contradiction avec les récentes déclarations des autorités russes dans lesquelles elles faisaient état de dispositions prises pour épargner les sites du patrimoine mondial en Ukraine. »
De son côté, la Russie affirme que c’est un missile de la défense ukrainienne qui a touché la cathédrale et que les autres sites servaient de bases logistiques à des terroristes… Audrey Azoulay a condamné cette attaque et incité la Russie à respecter « les obligations qui lui incombent au regard du droit international ». Le second communiqué de l’Unesco du 23 juillet rappelle en outre que « la destruction intentionnelle de biens culturels peut être considérée comme un crime de guerre, comme l’a également reconnu le Conseil de sécurité des Nations unies – dont la Fédération de Russie est un membre permanent – dans sa résolution 2347 (2017) ». L’Unesco a envoyé une mission à Odessa « pour réaliser une évaluation préliminaire des dégâts » et annoncé continuer ses activités de restauration du patrimoine sur place.
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À Odessa, le patrimoine culturel paie un lourd tribut
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°616 du 8 septembre 2023, avec le titre suivant : À Odessa, le patrimoine culturel paie un lourd tribut