À l’École de design Nantes-Atlantique, les étudiants travaillent sur des projets d’aménagement urbain écoresponsables menés en partenariat avec des entreprises, des collectivités publiques et l’Université. Les jeunes diplômés défendent une approche anthropologique.
Nantes (Loire-Atlantique). Plus de la moitié de la population mondiale vit aujourd’hui dans les villes. En 2050, cette proportion atteindra 70 %. À quoi ressembleront donc les cités du futur ? Certains les imaginent sous la terre, sous la mer, d’autres dans le ciel : un « Earthscraper » [un projet de gratte-ciel enfoui, NDLR] au cœur de Mexico ; des jardins suspendus au-dessus de New York ; un quartier pensé pour Toronto avec feux tricolores s’adaptant à la circulation, pistes cyclables chauffées en hiver et robots assurant la gestion des déchets… Nul doute que des changements profonds doivent intervenir dans la consommation de l’énergie, l’habitat, les transports ou l’alimentation. Nul doute aussi que la ville devra être capable de résilience, s’adapter aux phénomènes extrêmes et croire en son futur.
À Nantes, alors que l’on vise « zéro émission nette » pour le milieu du siècle, l’École de design veut contribuer à réinventer la ville afin de la rendre à la fois plus saine, sûre, conviviale et durable. Voitures autonomes, maisons connectées, capteurs de pollution… ? L’essentiel est de réfléchir à l’usage que l’on veut en faire.
Au sein du « City Design Lab » de l’école, voué aux mutations urbaines et territoriales et adossé au cycle master, 80 étudiants explorent de nouveaux espaces, dispositifs ou services durables à travers des projets définis en partenariat avec des entreprises, des collectivités publiques ou des universités. « Nous cherchons à réinventer le design urbain en partant du point de vue de l’usager, en mettant au cœur du processus d’innovation l’enjeu humain. L’objectif ? Former – par le projet – des designers de la complexité », souligne Florent Orsoni, directeur du laboratoire. À la fois plateforme pédagogique ouverte, foyer de recherche et d’innovation, le laboratoire collabore à des programmes de recherche européens et réalise des missions d’expertise. « Je crois que le design prend du galon. L’École a toujours mis l’accent sur la professionnalisation. Face aux enjeux actuels, on sent chez nos partenaires une aspiration à une expertise encore plus pointue de la part des designers pour conduire des travaux de prospective. À nous maintenant de faire nos preuves ! », observe Frédéric Degouzon, directeur stratégie, recherche & développement de l’établissement, qui se félicite du prochain accueil de trois doctorants en lien avec des laboratoires de l’université de Nantes à laquelle l’École est associée.
Dirigée par Christian Guellerin depuis sa création en 1988 par la Chambre de commerce et d’industrie Nantes/Saint-Nazaire, l’École est membre de la Conférence des grandes écoles. Réunissant près de 1 500 élèves et offrant 10 cycles master, elle assure une excellente insertion professionnelle à ses diplômés – 90 % sont recrutés dans l’année qui suit le diplôme – et s’appuie sur cinq implantations dans le monde, à Shanghaï, Pune (Inde), São Paulo, Montréal, et depuis peu à Cotonou (Bénin). De jeunes diplômés issus du City Design Lab livrent leurs témoignages. Designer d’interaction UI/UX [user interface, conception de l’interface produit/user experience, expérience utilisateur, NDLR], Clément Breuille, 27 ans, a choisi d’explorer les nouvelles mobilités en ville. À l’occasion de son projet de fin d’études intitulé « Smart Mobility », il propose une application numérique innovante, propre à faciliter une mobilité intelligente et économe, au plus près des choix de l’usager, en intermodalité, selon plusieurs moyens de transport : vélo, covoiturage, train, bus… Après quatre années passées à Sydney pour l’entreprise Tigerspike, de retour à Nantes, le jeune designer accompagne des développements de produits, qu’ils soient numériques ou tangibles. « Une approche anthropologique du design est indispensable. Les moyens pour transformer la ville ? Écouter, observer, dessiner, photographier ! »
Jérôme Boissière, 23 ans, designer produit, passionné d’ornithologie et éleveur d’oiseaux exotiques, élabore, lui, lors de ses études, un système d’éclairage urbain dénommé « Varsko » [voir ill.] et composé de bornes autonomes, destiné à améliorer la sécurité des cyclistes et ainsi encourager l’usage du vélo. Lauréat du concours international « Bicycle Design » à Taïwan, en 2018, son projet a été breveté. « L’essentiel dans le design est de “penser autour”, d’avoir une approche écosystémique. » Sa vision de la ville de demain ? « Verte et vivante ! » Soucieux de mettre son design au service de la biodiversité, il conçoit un dispositif intégrant des nichoirs à oiseaux et des abris à insectes pour des architectures de ville et travaille aujourd’hui au sein de l’entreprise Atech sur des « oasis urbaines ».À ses yeux, le designer doit savoir être médiateur, mettre en dialogue les différents acteurs de la ville – ingénieurs, urbanistes, architectes, politiques, citoyens – faire lien et donner du sens.
C’est aussi la conviction de Camille Morin, 26 ans, designer manageuse. « Après mon stage en Inde, j’ai compris que l’essentiel est d’outiller les personnes pour qu’elles trouvent elles-mêmes des solutions qu’elles puissent s’approprier et transmettre. En sauvegardant les cultures et les savoir-faire. » Dans le cadre de son activité actuelle à l’Atelier d’architecture autogéré, la jeune designer contribue à des « tactiques urbaines » favorisant la participation des habitants ou l’autogestion d’espaces délaissés. Ainsi, l’AgroCité à Colombes (Hauts-de-Seine) comprend une ferme expérimentale, des jardins communautaires, des ruches, des espaces pédagogiques et culturels, des dispositifs expérimentaux pour le chauffage à partir du compost… « Je suis pressée de voir ces démarches collectives se développer ! Mon rôle de designer ? Accompagner une ville ou un village pour que ceux-ci soient productifs, centrés sur des circuits courts, avec des habitants faisant commun ensemble. » En novembre dernier, Camille Morin a lancé Topophile, « la revue des espaces heureux ». Gilles Clément, jardinier-paysagiste, contributeur à la revue, considère qu’« être “tophophile”, c’est s’accorder au terrain par un ressenti qui rejoint la notion de génie ou d’esprit des lieux. Le topophile se tient en équilibre. Il est à la fois instable et heureux… ». Comme le designer en quelque sorte…
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°539 du 14 février 2020, avec le titre suivant : Pour une ville humaine et durable