Au fil des années, Hong Kong est devenue un lieu d’échanges privilégié du marché de l’art chinois. Aujourd’hui, si certains collectionneurs redoutent le prochain départ des Britanniques, les jeunes marchands y voient davantage une chance qu’une menace.
Une fois par semaine, une vingtaine de jeunes Chinois en blue-jeans se retrouvent à la maison de thé Lok Yu pour discuter des dernières nouvelles du marché de l’art chinois. Tandis que deux fois par an, une vingtaine d’Occidentaux entre deux âges, vêtus de costumes taillés sur mesure, se réunissent dans deux palaces de la ville pour échanger informations et pièces rares.
Les premiers négocient des objets funéraires récemment découverts ; les seconds, des œuvres de l’époque impériale, transmises de génération en génération. Grâce à ces deux marchés, Hong Kong est aujourd’hui le centre incontesté du commerce d’œuvres d’art chinois. Mais la colonie britannique pourra-t-elle revendiquer encore longtemps cette place de premier plan ?
Les centres d’intérêt des collectionneurs n’ont guère varié depuis l’époque de l’empereur Ch’ien-lung, mort en 1795 : porcelaines impériales et objets délicatement ouvragés des dynasties Sung (960-1279), Ming (1368-1644) et Ch’ing (1644-1911) sont autant de trésors bien gardés appartenant à de grandes familles. Le commerce de ces objets, qui nécessite d’avoir ses entrées dans la haute société chinoise, est le domaine réservé des marchands chinois.
Après l’instauration du régime communiste, en 1949, certains de ces marchands, tel le très influent Edward T. Chow, se sont enfuis à Hong Kong. Dans les années soixante, des hommes d’affaires se sont regroupés au sein d’un club de collectionneurs, la Min Chiu Society, pour organiser des expositions d’envergure internationale à partir de leurs collections.
Un "grand bazar"
Quand Sotheby’s s’est installé à Hong Kong, en 1973, la maison de ventes a su exploiter le potentiel financier de ces prospères expatriés à la recherche de leurs racines. Une série de ventes spectaculaires, comme celles des collections d’Edward T. Chow, de Frederick Knight et du British Rail Pensions Fund, ont rapidement fait de Hong Kong la plaque tournante de ce commerce, et les marchands occidentaux et japonais ont pris l’habitude de se rendre régulièrement sur place.
Les ventes de Sotheby’s et de Christie’s à Hong Kong couvrent exclusivement le marché des œuvres d’art de l’époque impériale, car les pièces funéraires n’ont jamais fasciné les collectionneurs chinois, à l’inverse de l’étranger, où l’intérêt pour les antiquités chinoises est apparu avec l’arrivée des premiers objets de ce type en Europe, en Amérique et au Japon, dans les années vingt. Les importantes collections réunies à cette époque forment aujourd’hui l’épine dorsale des ensembles conservés dans les grands musées japonais et occidentaux.
Au début des années quatre-vingt, une nouvelle vague d’antiquités récemment mises au jour a fait son apparition sur le marché. Hong Kong, du fait de sa situation géographique idéale, est devenue un point de passage obligé. Des dizaines d’antiquaires ont alors ouvert boutique, transformant quelques rues du centre-ville en une espèce de grand bazar. Aujourd’hui, le marché est inondé d’objets d’une qualité relativement élevée, vendus assez bon marché. Mais le nombre de copies, ainsi que leur qualité, a augmenté au cours des dix dernières années.
Des informations de première main
Les incertitudes concernant les intentions de la Chine à l’égard de la libre circulation des objets d’art après 1997 ont beaucoup refroidi l’enthousiasme du marché de l’art à Hong Kong. Toutefois, les jeunes marchands de la maison de thé Lok Yu semblent à l’abri de ces inquiétudes. Si leurs petites galeries de Cat Street et de Hollywood Road n’offrent aux passants que des pièces de qualité moyenne, ils vendent également – et uniquement sur rendez-vous – des pièces majeures aux plus grandes galeries, maisons de vente et collections du monde.
Cette nouvelle génération de marchands profite d’un accès direct à des informations de première main, que ce soit à propos des filières de production de faux ou des découvertes de sites de fours à céramique. Pour elle, l’avenir constitue moins une menace qu’une chance. En assistant aux ventes qui se tiennent désormais régulièrement à Pékin, Shanghai et ailleurs, ces marchands se livrent également au commerce d’œuvres qui ne peuvent être négociées qu’en Chine. Avec bientôt plus d’un milliard d’habitants qui font preuve d’un intérêt renouvelé pour leur passé et disposent d’un pouvoir d’achat en augmentation, l’avenir du marché de l’art à Hong Kong n’a rien de sombre.
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Plaque tournante des antiquités
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°24 du 1 avril 1996, avec le titre suivant : Plaque tournante des antiquités