Il est tôt ce matin de septembre 2001, quand Philippe Cognée monte dans sa voiture pour se rendre à La Ferté-Bernard, ancien bourg rural devenu l’un des pôles de développement les plus dynamiques des Pays de la Loire. L’artiste y a rendez-vous pour visiter le site d’une entreprise de boucherie industrielle.
On sait combien il plaît à Cognée d’aller de par le monde d’une ville à l’autre, en quête de ces images urbaines dont il fait son miel. Mais une boucherie industrielle, pourquoi donc ? Pourtant, à parcourir son œuvre peinte, on relève à plusieurs reprises son intérêt pour le thème de la carcasse de viande. Philippe Cognée alterne sujets construits et motifs organiques. Son travail compte aussi bien des images de barres d’immeubles, de linéaires de supermarchés que de portraits de famille à la plage et des carcasses sanguinolentes suspendues à la chaîne, comme autant d’hommages mêlés à Rembrandt et à Soutine.
La peinture au corps à corps
Ce matin-là, donc, Cognée entre dans les abattoirs. D’emblée, il est captivé par le spectacle qui s’offre à lui, de l’entrée des bêtes jusqu’à leur dépeçage, il en suit caméra au poing le déroulement et enregistre le maximum d’images. « L’une après l’autre, [les bêtes] franchissent un sas et se trouvent bloquées dans un espace réduit. Après électrocution, elles sont tirées par la patte arrière puis dressées à la verticale à l’aide d’un palan. Masse monumentale, tête ballante, langue pendante. Un rail conduit la bête au centre d’une salle circulaire dans laquelle des hommes attendent, tablier blanc maculé de sang […]. »
Relatée par l’artiste, la scène est d’une rare puissance. Cognée éprouve toujours la nécessité de se coltiner ainsi au motif dont il veut se saisir. Qu’il s’agisse de la ville qu’il arpente en tous sens, de la foule dont il fixe sur la pellicule le grouillement, voire de ces images captées sur Internet via « Google Earth » qui l’entraînent dans la quatrième dimension. La peinture est affaire non seulement de corps, mais de corps à corps, et Cognée a besoin de la vivre pleinement et physiquement.
Ses dernières œuvres
Au sol de l’atelier, un immense tondo de trois mètres de diamètre. Constitué de deux parties égales, il est recouvert d’un magma de peinture à la cire et figure un monumental tas de déchets, comme vu à travers une loupe. Depuis plus d’un an, Cognée s’en est pris à ce motif, une façon de corollaire des supermarchés. Pour l’exposition qu’il prépare à la fondation Salomon (L’œil, n° 582, p. 71), l’artiste a décidé de réaliser, notamment sur ce thème, une œuvre d’envergure.
Installé au beau milieu de la peinture, Cognée tient en main un fer électrique et commence à le passer sur celles-ci. Il lui faut appuyer de tout son poids pour faire fondre la matière. L’exercice est éprouvant et la surface est considérable. Progressivement, le peintre parvient aux bords du tableau. Dans un ultime effort, celui-ci redresse la masse imposante du tableau, l’appuie contre le mur et contemple le travail accompli.
L’image du tas de déchets devenue quasi abstraite émerge dans la figure inattendue d’une sorte de monde en soi. La peinture s’est chargée d’une dimension proprement cosmique.
1957 Naissance à Sautron. 1975 Philippe Cognée entre à l’École des beaux-arts d’Angers. 1989 Devient enseignant à l’école des beaux-arts d’Angers. 2003 Exposition à la galerie Daniel Templon. 2005 Exposition au musée des Beaux-arts d’Angers. 2006 Cognée expose jusqu’au 17/09 au MAMCO”ˆà Genève et jusqu’au 29/10 à la fondation Salomon à Alex. Il vit et travaille à Vertou, en Loire-Atlantique.
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Philippe Cognée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°583 du 1 septembre 2006, avec le titre suivant : Philippe Cognée