MOSCOU / RUSSIE
Mise sous scellés en attendant que la justice ne se prononce, la collection d’art a été déménagée dans des conditions obscures.
Des centaines d’oeuvres des collections de l'Institut d'art réaliste russe (IRRI) ont été subtilisées au nez et à la barbe des créanciers de leur propriétaire. Le musée, sa collection et d’autres biens du banquier milliardaire Alexei Ananiev avaient été placés sous scellés par la cour d’arbitrage de Moscou le 31 mai dernier en attendant le règlement d’une dette monumentale de 282 milliards de roubles (3,8 milliards d’euros) à la banque PromSvyazBank (PSB).
Cherchant à se disculper, la direction de l’IRRI a fait savoir le lendemain que ni les murs, ni la collection « n’appartiennent plus depuis longtemps à Alexei Ananiev ». La direction, qui avait « provisoirement » fermé le musée au début du mois, déclare désormais que la fermeture se poursuivra « jusqu’au terme de la procédure judiciaire ». En revanche, l’IRRI affirme poursuivre ses activités scientifiques, éducatives et socioculturelles, ainsi que les projets planifiés avec les partenaires en dépit de « l’impact négatif [de la saisie judiciaire] », dont le musée réclame l’annulation.
La disparition a été constatée par des huissiers de justice, qui ont eu accès aux réserves de l’IRRI. Selon le témoignage d’employés du musée privé, les peintures ont été « emballées pour le transport » et transférées vers la société chypriote Dioleta Investments Limited, dans laquelle l'épouse d'Alexei Ananiev détiendrait des parts.
Soulignant ses intentions « patriotiques », PSB, le créancier, a déclaré que sa priorité était de maintenir la collection de l'IRRI en Russie. Et pointe donc du doigt l’ancien propriétaire : « Il y a des raisons de croire que les peintures ont été ôtées de l'IRRI, en violation de l'interdiction de la Cour d'arbitrage de Moscou », estime la banque dans un communiqué.
Le ministère de la Culture, par la voix du chef du département des musées Vladislav Kononov, a indiqué qu’il n’interfèrerait pas dans ce dossier « faute de base légale » puisque les oeuvres n’appartiennent pas à la Fédération russe.
La valeur des œuvres saisies est estimée à plusieurs dizaines de millions d’euros. Il s’agit principalement de peintures d’artistes des années 50/70, (Nissky, Deineka, Korjev, Tkachev, Ivanov, Ossovsky, Jilinsky, Salakhov). Cette collection est réputée l’une des plus importantes d’art réaliste socialiste et de son avatar le « style sévère ». Le musée privé, créé en 2011 par Alexeï Ananiev, occupe 4 500 m2 dans une ancienne fabrique de textile.
Les frères Dmitri et Alexeï Ananiev sont poursuivis par la banque PSB, dont ils étaient les principaux actionnaires jusqu’en 2017. Contre toute attente eu égard à la taille de leur dette, les deux frères, des orthodoxes pieux, n’ont pas été incarcérés et ne se sont pas exilés. La mansuétude inhabituelle de l’appareil judiciaire russe à leur égard suggère des protections politiques haut placées.
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Mystérieuse disparition d’une collection d’art réaliste socialiste pourtant saisie par la justice russe
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