Miami attire la fine fleur des galeries

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 21 novembre 2003 - 1069 mots

Pour sa deuxième édition, Art Basel Miami Beach réunit 175 exposants. À côté de « Art Positions », les organisateurs lancent un nouveau concept, « Art Nova ». Une foire plus contemporaine que moderne.

Remplacez les bords du Rhin par les plages de Floride et vous y êtes ! Ce slogan, Art Basel, organisateur de la célèbre foire bâloise et promoteur depuis l’an passé d’Art Basel Miami Beach, ne l’a pas osé, même si le cœur y est. La foire est la petite sœur de sa glorieuse aînée : elle profite de sa réputation, de son expérience, en lui adjoignant le soleil, les palmiers et le glamour. Prévue pour 2001, la manifestation a finalement connu sa première un an plus tard et s’est fait remarquer en multipliant les événements. « C’est une foire qui est presque aussi bien que celle de Bâle », glisse en préambule Philip Nelson (Paris), présent pour la deuxième fois avec, de Stéphane Calais à Ken Lum, un aperçu des artistes qu’il représente. « Miami est une manifestation naissante, mais elle a déjà su créer un véritable dynamisme, notamment avec “Art Positions”. » À quelques minutes à pied du centre des congrès de Miami (Miami Beach Convention Center), où se tient la foire, ce segment réservé à des galeries connues pour leurs capacités d’expérimentation prend place dans une vingtaine de containers disposés sur la plage.

Fort pouvoir d’achat des résidents
Climatisées, mais suffisamment insolites pour être photogéniques, ces baraques de fortune accueillent chacune une enseigne. Spencer Brownstone (New York), Kevin Bruck (Miami), Espacio Mínimo (Madrid), Galerie Frank (Paris), Fusebox (Washington), Annet Geling (Amsterdam), IBID Projects (Vilnius, Londres), Koch und Kesslau (Berlin), Johann König (Berlin), Pierogi (Brooklyn), Gabriel Seen (Vienne) et Henry Urbach Architecture (New York) figurent parmi les nouvelles venues. Meyer Riegger (Karlsruhe) et Fons Welters (Amsterdam) renouvellent quant à eux l’expérience. « Cette configuration est formidable, commente Florence Bonnefous de la galerie Air de Paris (Paris), mais il faut y répondre d’une manière adaptée. Son aspect “off” est très gratifiant et il permet l’accès à une foire qui, en son sein, est tout de même assez coûteuse. » En 2002, Air de Paris avait transformé son container en salle de cinéma, présentant les films de Brice Dellsperger. Cette fois-ci, l’espace est réservé à une installation sonore de Trisha Donnely.
Au cœur même de la foire, parallèlement à « Art Nova », lancée cette année pour permettre à treize galeries de participer à l’événement – à la condition d’exposer des œuvres produites ces deux dernières années –, le traditionnel secteur « Art Statements » reconduit une formule éprouvée depuis 1996 à Bâle. Seize galeristes y présentent un projet spécifiquement conçu pour l’occasion. Parmi les venues attendues, le Mexicain Yoshua Okon (galleria Francesco Kaufmann, Milan) réactive la célèbre performance de Beuys, I Like America and America Likes me. Mais, vingt ans plus tard, il remplace le coyote par un homme, « coyote » désignant un clandestin dans l’argot mexicain. Pour le Londonien Asprey Jacques, Ian Kiaer a préparé une installation imaginée à partir des travaux de Frederick Kiesler sur la maison sans fin. Habituée de la Foire de Bâle, Micheline Szwajcer (Anvers) vient, elle, avec une œuvre inédite de David Claerbout. Largement connu en Europe pour ses vidéos jouant sur l’immobilité, l’artiste a encore été peu montré aux États-Unis.
« Les rencontres et le travail que l’on fait à Bâle, à l’Armory Show et à Miami remplacent le manque de collectionneurs étrangers à Paris », explique Chantal Crousel (Paris), qui a boudé cette année la FIAC au profit de Frieze Art Fair à Londres. Lors de sa précédente participation à Art Basel Miami Beach, la galeriste avait fait stand commun avec Yvon Lambert, axé sur la vidéo. « Ce choix un peu radical avait eu une très bonne réception, d’autant qu’il y a à Miami plusieurs collectionneurs intéressés par la vidéo. Cette année, nous renouvelons en partie l’expérience et présentons des pièces de Thomas Hirschhorn, Darren Almond et Melik Ohanian. L’ exposition récente de ce dernier à Atlanta a participé à la diffusion de son travail ici. »
Pour les nombreuses galeries européennes présentes (43 % des 175 exposants, soit l’équivalent de la représentation nord-américaine), le marché américain est en effet l’un des principaux atouts de la nouvelle foire. Nulle surprise si cette dernière est en concurrence avec le salon new-yorkais de l’Armory Show (du 12 au 15 mars 2004). Miami n’est pas le centre de l’art international, mais le fort pouvoir d’achat de ses résidents permet de surmonter aisément le handicap, tout comme la mobilité des collectionneurs américains et la venue des Sud-Américains.

Un événement populaire
Pour de nombreux observateurs, les deux foires sont encore au coude à coude, mais Miami pourrait l’emporter grâce à une envergure plus large. Si bien que la comparaison se fait le plus souvent avec Bâle. « Peut-être manque-t-il à Miami un secteur historique important, note Philip Nelson. Voilà ce qui fait la différence avec Bâle, mais je ne pense pas que cela soit l’option choisie. » Malgré la présence de ténors comme Jan Krugier, Ditesheim & Cie (Genève), Waddington (Londres) ou Gmurzynska (Cologne, Zoug), la foire privilégie en effet l’art de ces dernières années. « Je ne crois pas que l’objectif de la foire soit d’être une foire exclusivement contemporaine, tempère David Fleiss de la Galerie 1900-2000 (Paris). Les foires ont besoin des galeries d’art moderne pour attirer les collectionneurs au-delà d’un certain cercle, elles en ont aussi besoin pour les visiteurs. » La galerie ne faillira pas à sa réputation en apportant quantité d’œuvres surréalistes, tout en privilégiant les Sud-Américains comme Matta et en présentant quelques œuvres pop à l’attention de la clientèle locale. « En 2002, la foire était d’un excellent niveau pour les œuvres, mais pas nécessairement pour les acheteurs, poursuit David Fleiss. Mais les bons échos ne peuvent que faire changer cela. Sur place, c’est un événement populaire et qui va le devenir encore plus. L’an passé, les hôtels ne semblaient pas vraiment au courant. Cette année, en réservant, je me suis rendu compte que les choses avaient évolué. »

- Art Basel Miami Beach, du 4 au 7 décembre, vernissage le 3 sur invitation, Miami Beach Convention Center (Art Deco District), Miami - « Art Positions » et « Art Video Lounge » à Collins Park, Miami, tél. 41 58 206 31 32 (Suisse), 1 212 627 0654 (USA), tlj 12h-20h, 12h-18h le 7, www.artbaselmiamibeach.ch

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°181 du 21 novembre 2003, avec le titre suivant : Miami attire la fine fleur des galeries

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