Festival

ENTRETIEN avec Frank Madlener

ManiFeste : le festival de création qui intègre les arts sonores

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 23 mai 2022 - 734 mots

Entretien avec Frank Madlener, directeur de l’Ircam, l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique du Centre Pompidou, et directeur du festival ManiFeste.

Quelle est la place des arts visuels dans le festival de musique contemporaine ManiFeste ?

ManiFeste est un festival de création qui intègre les arts sonores. De plus en plus de plasticiens se passionnent, aujourd’hui, pour le son. C’est pourquoi, nous programmons cette année la résurrection du Polytope de Cluny de Xenakis, une œuvre multimédia de 1972 faite de son et de lumière. Une œuvre de Bill Fontana, Silent Echoes Notre-Dame, sera également exposée sur la terrasse du cinquième étage du Centre Pompidou. Au Centre Pompidou toujours, nous reproduisons également TACT, un dispositif (une tablette tactile) qui joue sur le rapport entre le geste et la production d’un son. Tout le monde le dit, il y a une grande fusion des médias aujourd’hui. Ce qui nous intéresse, à l’Ircam, n’est pas seulement comment on expose cette fusion mais aussi ce que l’on en fait.

En quoi consiste le Polytope de Xenakis ?

En 1972, 25 000 visiteurs du Musée de Cluny ont découvert les 25 minutes du Polytope : un ouragan de feu et de son dans une installation immersive sonore et visuelle, comprenant des lasers, des flashs lumineux, un système de miroirs renvoyant la lumière… La relation compliquée entre la commande digitale de l’électronique et la lumière fait que ce Polytope n’a jamais été reconstitué depuis, ce que nous réussissons à faire aujourd’hui. Mais nous ne sommes pas juste des archivistes : à côté du Polytope de Xenakis, nous créons un Polytope 2022 avec le collectif musical /nu/thing. Le résultat est plus narratif, il utilise la spécialisation, les couleurs et les technologies d’aujourd’hui. Il ne s’agissait surtout pas de faire du sous-Xenakis cinquante ans après, mais d’imaginer un « polytope 2022 ». Tout cela a été rendu possible grâce au programme de commandes publiques Mondes nouveaux.

Ces polytopes inaugurent la réouverture de l’Espro le 21 juin. De quoi s’agit-il ?

De tout sauf d’une salle de concert ! L’Espro [pour Espace de projection] est une salle située à 16 m sous la fontaine Stravinsky de Tinguely et Niki de Saint Phalle. Cet espace peut accueillir 500 personnes debout ou près de 300 assises, et peut se modifier sans cesse. Nous pouvons en changer l’acoustique, modifier le volume, etc. C’est un espace des possibles pour les artistes, les scientifiques ou les chorégraphes. Ce lieu, qui est situé au cœur de l’Ircam, rouvre après sept ans de travaux de désamiantage.

Quelle est l’installation de Bill Fontana ?

Marcella Lista, conservatrice au Centre Pompidou, nous a mis en contact avec Bill Fontana, un artiste marqué par la pensée de Cage. Il a eu l’idée d’installer des accéléromètres sur les cloches de Notre-Dame de Paris pour capter les ondes de la ville (que l’oreille n’entend pas), et les envoyer par wifi (après mixage) sur la terrasse du Centre Pompidou. Les spectateurs de Silent Echoes Notre-Dame voient donc les tours depuis la terrasse tout en étant projetés dans leur « image acoustique ». Ils entendent la rumeur de Paris : les bruits du chantier, une ambulance qui passe, etc. Cette installation sera accessible durant tout le festival.

Il est aussi question de technologie, de progrès, d’intelligence artificielle…

Ces questions traversent notamment la proposition, très forte, d’Alexander Schubert, jeune artiste phare de la scène allemande. Anima est un théâtre multimédia, un institut où les patients perdent leur identité pour créer des avatars. Il est troublant de voir que votre propre voix, par exemple, peut-être modifiée, parfois à votre insu. Parallèlement, Judith Deschamps travaille sur la reconstitution de la voix du castrat Farinelli, qui était une star absolue au XVIIIe siècle. À partir des voix de jeunes chanteurs et de l’intelligence artificielle, elle a créé le film La Mue – la mue de la voix bien sûr, mais aussi la mue technologique et la mutation de genre. Là aussi, l’œuvre est très troublante.

ManiFeste

C’est le festival pluridisciplinaire de l’Ircam qui associe, du 8 juin au 2 juillet, la musique au théâtre, aux arts numériques, aux arts visuels, etc.


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C’est le nombre de lieux dans lesquels est programmé le festival : au Centre Pompidou, à la Philharmonie de Paris, à l’Ircam et au CentQuatre-Paris.

 

« Au festival ManiFeste, le spectateur se retrouve parfois happé dans des treillis complexes de stimuli sensoriels […]. Affûtons nos tympans, c’est parti pour un voyage au bout du son… » Télérama,juin 2021

Frank Madlener
est directeur de l’Ircam, l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique du Centre Pompidou, et directeur du festival ManiFeste.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°755 du 1 juin 2022, avec le titre suivant : Entretien Frank Madlener : ManiFeste : le festival de création qui intègre les arts sonores

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