FRANCE
La Fondation du patrimoine espère récupérer une vingtaine de millions d’euros pour ainsi financer 18 projets prioritaires et 250 autres sites.
Annoncés fin 2017, largement commentés, les jeux de la « Mission patrimoine » sont en vente depuis le 3 septembre. Parmi les tickets de la Française des jeux (FDJ) bien mis en évidence chez les buralistes, des billets à gratter de grande taille, bariolés et frappés d’images de monuments de France métropolitaine et d’outre-mer attirent l’œil. Qui tente sa chance à ce jeu commercialisé à un prix très élevé (15 euros, contre 2 à 12 euros pour les autres jeux) a cependant un peu plus d’une chance sur trois de gagner de l’argent, une probabilité plus haute que d’habitude. Qui échoue se console en se disant qu’il soutient la restauration d’édifices en souffrance, alimentant au passage les caisses de la FDJ et des buralistes. Des grilles de loto vendues 3 euros sont également proposées pour un tirage spécial à la veille des Journées du patrimoine.
L’animateur de télévision Stéphane Bern, à qui Emmanuel Macron a confié la tâche de trouver des sources de financement « innovantes » pour restaurer le patrimoine en péril a ainsi concrétisé une idée qui est loin d’être nouvelle : d’autres pays misent déjà sur les jeux de hasard pour financer l’entretien des monuments et quelques députés français réclamaient un loto patrimoine depuis de nombreuses années (lire la tribune de François de Mazières p. 31).
Mais quel pourcentage des gains ira réellement aux vieilles pierres ? Officiellement, 25 % de la recette du loto et 10 % de celle des jeux à gratter, qui auraient dû revenir à l’État, seront attribués à la Fondation du patrimoine. Celle-ci (qui ponctionnera dans la cagnotte des frais de gestion plafonnés à 10 %) a créé un fonds spécial pour redistribuer cet argent à des projets de restauration sélectionnés par elle-même en collaboration avec le ministère de la Culture. La FDJ a estimé que ces jeux devraient rapporter 15 et 20 millions d’euros à la Fondation du patrimoine. Ce qui n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan des besoins des monuments historiques, où les chantiers se facturent souvent en millions. Selon la Fondation du patrimoine, 5 millions d’euros serviront à financer une petite partie des travaux de dix-huit édifices « prioritaires » et « emblématiques » par la diversité de leur typologie et de localisation.
Ainsi, 390 000 euros doivent être affectés à la commune de Rochefort pour l’aider à mettre en sécurité le plafond de la maison de l’écrivain Pierre Loti. 495 000 euros serviront à épauler une association dans la réfection de la toiture d’une rotonde ferroviaire sarthoise. Le Centre des monuments nationaux – qui a été bénéficiaire dans les années 2000 d’une partie de la taxe sur les jeux en ligne revenant par l’État avant qu’elle ne lui soit supprimée – doit obtenir quant à lui 200 000 euros pour renforcer les planchers de son château de Bussy-Rabutin, un édifice pas exactement en péril, mais qui permet à l’opérateur national d’être représenté.
Une fois ces monuments « prioritaires » traités, la Fondation du patrimoine partagera les deniers restants plus ou moins équitablement entre 251 autres projets de restauration répartis dans le reste de la France. « Ils recevront tous une somme identique et pourront se voir doter d’un bonus qui viendra récompenser ceux qui ont fait l’effort de mobiliser du mécénat », explique Célia Vérot, directrice de la Fondation du patrimoine.
Les recettes espérées paraissent faibles à certains, mais pour Célia Vérot, la vertu des jeux n’en est pas moindre, car ils doivent permettre « de rendre la cause du patrimoine populaire » et de doper ainsi les soutiens et le mécénat. Pour pallier un désengagement de l’État ? C’est le constat amer que s’est permis Stéphane Bern, capitaine de la « Mission patrimoine », quelques jours avant le lancement des jeux. « Quand vous voyez qu’on va sans doute trouver plus de 450 millions pour restaurer le Grand Palais à Paris et qu’on me demande de trouver 15 à 20 millions pour sauver toutes les églises des petits villages, plus le patrimoine vernaculaire, le patrimoine industriel et ouvrier dans tous les territoires, je me demande si on ne s’est pas moqué de moi », a-t-il regretté publiquement.
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Loto du patrimoine : faites vos jeux !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°506 du 7 septembre 2018, avec le titre suivant : Loto du patrimoine : faites vos jeux !