Après dix-huit ans de règne sans partage des conservateurs, les sondages indiquent qu’un gouvernement travailliste pourrait leur succéder à l’issue des élections britanniques prévues au mois de mai. Dans cette optique, Tony Blair, chef du parti travailliste, a prononcé ce qui restera sans doute comme son discours le plus important à l’égard de la culture et précisé la politique que son parti mettra en œuvre dans ce domaine en cas de victoire.
LONDRES (de notre correspondant). Devant le British Screen Advisory Council (Conseil britannique de l’audiovisuel), le leader du parti travailliste a promis de remettre la culture "à l’ordre du jour", tout en annonçant que le programme détaillé de la politique culturelle de son parti serait communiqué sous peu. Attendu pour l’année dernière, le retard pris dans l’élaboration de ce document laisse supposer que le parti travailliste peine à s’entendre sur le choix d’une stratégie cohérente en la matière. D’ores et déjà, Tony Blair a publiquement repoussé l’idée selon laquelle un gouvernement ne peut exprimer son amour de l’art "qu’en multipliant les subventions". Jack Cunningham, secrétaire d’État du Department of National Heritage au sein du cabinet travailliste fantôme, a été plus explicite encore : "Je refuse ces arguments faciles qui affirment de manière simpliste : ‘le parti travailliste n’a qu’à rétablir les budgets que les conservateurs ont diminués et tout ira pour le mieux’. Vouloir une plus grosse part d’un gâteau plus petit, cela ne peut pas marcher". Jack Cunningham souhaite en revanche que le National Heritage encourage les créations d’emplois dans le secteur culturel et que le patrimoine artistique britannique soit exploité de manière plus commerciale. Voici quelques points clés qui devraient être repris dans le programme travailliste.
Accès gratuit : Tony Blair s’est déclaré en faveur de la gratuité d’accès aux musées, et Mark Fisher, ministre des Arts au cabinet fantôme, s’est expliqué plus en détail à ce sujet : "L’accès gratuit devrait être un des critères de répartition des revenus de la Loterie et des subventions en faveur des musées nationaux". Grâce à ces mesures incitatives, il espère que la plupart des musées seront gratuits d’ici l’an 2000.
Marché de l’art : Le New Labour a promis de soutenir la place de Londres sur le marché de l’art international : "Les travaillistes sont déterminés à ce qu’il soit prospère", a déclaré Mark Fisher. En cas de victoire, le gouvernement travailliste s’opposera à la pression européenne qui veut faire passer la TVA sur les ventes d’art de 2,5 à 5 %. Cette position reprend celle des représentants du marché de l’art, selon lesquels cette mesure pousserait les collectionneurs "à vendre leur Picasso à New York ou Genève plutôt qu’à Londres". Mark Fisher n’est pas enthousiasmé par l’instauration éventuelle du droit de suite : "L’argent ainsi récolté ira aux Freud, Riley, Caro ou Hirst, et non aux artistes qui en ont le plus besoin".
Loterie : Les travaillistes insistent sur le fait que "les revenus de la Loterie doivent rester un ‘plus’ qui s’additionne aux dépenses courantes du gouvernement". En outre, "l’obligation pour chaque projet de trouver un financement complémentaire [entre 10 et 50 % du total] restreint l’accès à l’argent de la Loterie, en particulier dans les zones économiquement désavantagées. Cela devrait être révisé". Dans un avenir plus lointain, le parti travailliste estime qu’à l’échéance de la concession accordée à l’opérateur privé Camelot Group, en 2001, ce dernier pourrait être remplacé par un gestionnaire à but non lucratif ou dont les revenus seraient plafonnés. Les travaillistes envisagent également de transférer au National Endowment for Science and the Arts, après les célébrations de l’an 2000, la part dévolue à la Millenium Commission.
NESTA : Le National Endowment for Science and the Arts sera l’équivalent d’un "National Trust du talent", distribuant prix et bourses aux jeunes. D’après les travaillistes, le NESTA pourrait être lancé grâce à des fonds de la Loterie et obtenir ensuite des dons ou des droits d’auteur d’artistes plus connus, lui permettant ainsi de disposer de 100 millions de livres par an. Tony Blair aimerait que le NESTA "travaille en collaboration avec les organisations déjà existantes, publiques et bénévoles, pour découvrir les talents de demain et leur offrir les conditions nécessaires à leur épanouissement".
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Les travaillistes et la Culture
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°35 du 4 avril 1997, avec le titre suivant : Les travaillistes et la Culture