Rares sont les personnes à pouvoir situer les paradis fiscaux sur une carte. C’est pourtant là que se cachent quelques-unes des plus prestigieuses œuvres d’art au monde.
« Le terme “paradis fiscal” revêt des significations très différentes selon les personnes, explique James Quarmby, fiscaliste chez Thomas Eggar. Si, pour certains, il est lié aux grands barons de la drogue blanchissant de l’argent, pour d’autres il évoque de longs parcours de golf sous un beau ciel bleu. » Pour les plus riches de la planète, ces havres de paix représentent surtout des lieux où les œuvres d’art peuvent échapper à des régimes fiscaux trop contraignants.
« Les œuvres d’art elles-mêmes sont rarement situées dans les paradis fiscaux. En revanche, la propriété légale des œuvres est détenue par des trusts offshore qui se trouvent dans ces paradis », précise James Quarmby. Le principe en est simple : si une personne détient une œuvre d’art et l’accroche sur l’un des murs de sa propriété, il est très probable qu’elle sera assujettie à un impôt, où qu’elle se trouve dans le monde. Exemple : si l’œuvre d’art se trouve au Royaume-Uni et que son propriétaire est domicilié au Royaume-Uni, celui-ci sera assujetti à l’impôt sur les plus-values de la vente de l’œuvre, ainsi qu’à des droits de succession (s’il conserve l’œuvre dans son patrimoine).
Les trois impôts auxquels un propriétaire d’œuvre d’art peut être assujetti sont : l’impôt sur le revenu, les droits de succession et l’impôt sur les plus-values. Dans certains pays, l’impôt sur le revenu est
inexistant, mais compensé par un impôt sur la fortune.
Une des meilleures façons d’échapper aux impôts sur une œuvre d’art est donc de faire acheter l’œuvre par une société offshore elle-même détenue par un trust offshore. « La société offshore propriétaire loue l’œuvre d’art au client et lui fait payer annuellement 1 % du montant de l’œuvre », ajoute James Quarmby. « Le montant payé par le client inclut aussi les frais d’assurance. Au final, le client déboursera à peu près autant que s’il était propriétaire de l’œuvre. Mais le plus important, c’est qu’il fait sortir l’œuvre d’art de son patrimoine. » « Cette pratique, qui consiste à faire garder une œuvre par une société offshore elle-même détenue par un trust offshore, est très répandue auprès des grandes fortunes de notre planète », soutient Simon Concannon, fiscaliste chez Walker Morris.
Ce dernier rapporte le cas d’un particulier qui avait acheté une peinture de Van Gogh pour 14 millions de livres sterling (20,5 millions d’euros) et qui la revendit 20 millions de livres (29,4 millions d’euros). Alors qu’il aurait dû s’acquitter d’un impôt sur les 6 millions de livres (8,9 millions d’euros) de plus-value réalisée (notamment s’il se trouvait au Royaume-Uni), ce particulier n’a rien eu à payer, l’œuvre appartenant à une société offshore.
Autre avantage de cette pratique, le particulier profite de l’œuvre et celle-ci n’est pas enfermée dans le coffre-fort d’une banque située dans un paradis fiscal.
Dans certains pays, il arrive que le particulier chez qui se trouve l’œuvre d’art soit assujetti à un impôt sur le revenu, car on considère qu’il tire un « bénéfice » de cet actif. « Si le trust qui est propriétaire de l’œuvre n’est pas situé au Royaume-Uni, et si le particulier chez qui se trouve l’œuvre réside au Royaume-Uni, ce dernier peut être imposable », explique Arabella Saker, du cabinet d’avocats Allen & Overy (lire p. 19). Celle-ci précise que la plupart des polices d’assurance qui couvrent les biens culturels au Royaume-Uni génèrent un impôt sur la prime d’assurance de 5 % ou 17,5 %.
Les particuliers optent pour tel ou tel paradis fiscal en fonction de leur lieu de résidence. « Les Britanniques préfèrent généralement les îles de Jersey et de Guernesey, l’île de Man et la Suisse, alors que les Américains s’orientent plutôt vers les pays des Caraïbes comme les îles Caïmans, les Bermudes, les Bahamas, Antigua ou Saint-Kitts-et-Nevis », ajoute James Quarmby. Aussi les avantages financiers varient-ils d’une île à l’autre. Les Bermudes, les Bahamas et les îles Caïmans n’appliquent un impôt ni sur le revenu, ni sur les bénéfices, ni sur les plus-values, ni sur la fortune, ni sur le patrimoine, alors que la Barbade et les îles Anglo-Normandes (Jersey et Guernesey) ont quelques (faibles) taxes.
Appliquant un taux maximum de 40 % d’impôt sur le revenu, l’Angleterre apparaît elle aussi comme un « paradis » quand on compare ces taux avec ceux des Pays-Bas (60 %) ou de la Belgique (55 %), par exemple.
De nombreux gouvernements des pays d’Europe (notamment en France, au Royaume-Uni et en
Allemagne) mènent une chasse de plus en plus acharnée contre cette évasion fiscale.
Lucy Warwich-Ching, journaliste au Financial Times
Il n’y a pas d’impôt sur le revenu, sur les bénéfices, sur les plus-values, non plus que de droits de mutation, d’impôt sur le patrimoine ou de droits de succession pour les résidents des Bermudes. Il existe une taxe sur les importations qui varie en fonction de la nature du bien et du mode de transport : 25 % si une personne voyage en avion avec une œuvre d’art ; 8,5 % si l’œuvre est acheminée par courrier postal. Il existe une taxe de 10 % sur les exportations en fonction de la nature de l’objet. Une œuvre d’art transitant temporairement par les Bermudes peut être exemptée de taxes. La situation est identique pour les œuvres qui doivent être exposées ou vendues aux enchères, sous certaines conditions. Il existe aussi un droit de timbre sur certaines œuvres d’art. Conyers Dill & Pearman, Hamilton, Bermudes
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Les paradis fiscaux
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Abonnez-vous dès 1 €Il n’existe pas d’impôt sur les plus-values, de droits de succession, de droits de donation, d’impôt sur la fortune, de TVA, ni d’impôt sur les ventes. Il n’y a pas de droits de douane pour les originaux, les œuvres appartenant à des collectionneurs ou les antiquités qui proviennent d’un pays membre de l’Union européenne (UE). Les œuvres importées depuis un pays hors UE sont aussi exemptées de taxes, sauf exceptions, ainsi les perles ou les pierres précieuses. Il n’y a pas de taxes sur les exportations, mais une taxe peut être appliquée dans le pays de destination de l’œuvre. Kate Doherty, Bedell Cristin, Jersey
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°243 du 22 septembre 2006, avec le titre suivant : Les paradis fiscaux