Art Brussels, dont la 21e édition se déroule du 4 au 8 avril, est une de ces foires d’art contemporain à taille humaine, très appréciée par les exposants français. L’attachement consensuel des galeries hexagonales, grandes ou petites, n’est pas anodin. Les marchands saluent volontiers l’esprit confraternel de leurs collègues belges. Mais l’irrésistible facteur d’aimantation vient des collectionneurs locaux. La Belgique compte une rare concentration de ces amateurs au mètre carré. Des collectionneurs rigoureux, et curieux, que les vingt-trois exposants français s’efforceront de convaincre.
Les galeries françaises apprécient la foire Art Brussels pour sa modestie et son dynamisme. La participation hexagonale se situe chaque année autour d’une vingtaine d’exposants, avec son lot de défections, d’éclipses et de retours. Thaddaeus Ropac (Paris) et Catherine Issert (Saint-Paul-de-Vence) seront absents cette année. Certains comme Ghislaine Hussenot, Nathalie Obadia, Daniel Templon ou Patrice Trigano (galeries sises à Paris), à l’affiche de cette édition, n’abordent la foire que par intermittence. D’autres comme Pietro Sparta l’ont boudé un temps avant de reconduire l’expérience : “J’avais commencé dans les années 1980, puis j’ai arrêté avant de reprendre l’an dernier. J’avais renoncé à la faire, car les collectionneurs belges préféraient acheter à l’étranger. C’est en train de changer, mais ça reste laborieux”, estime le galeriste de Chagny. La galerie Zürcher (Paris), présente pour la 5e fois consécutive, souligne l’exigence des collectionneurs belges. “En général, les premières participations sont timides. On n’a commencé à vendre que la troisième fois. Maintenant, on a une vingtaine de collectionneurs qui reviennent. C’est une clientèle très réfléchie qu’il faut entretenir. Rien n’est acquis d’avance”, souligne Gwenolée Zürcher. Elle revient avec Elisa Sighicelli, dont la galerie avait cédé une dizaine de pièces l’an dernier “aux meilleures collections”, mais aussi Marc Desgrandchamps et Gilles Saussier. “C’est un public plus difficile. La première année, nous n’avions vendu qu’à des Français, poursuit Alain Gutharc (Paris). Je n’arrive pas à saisir ce qui marche auprès du public belge. J’ai pu constater l’an dernier que Delphine Kreuter, qui marche bien à Paris, n’a pas fonctionné à Bruxelles. Ce qui ne m’empêche pas de la remontrer cette année.” Le galeriste présente aussi des pièces de Nils Udo, dont il avait vendu quatre photographies l’an passé. Les galeries s’en tiennent souvent à des fourchettes de prix abordables, de 3 000 à 25 000 euros, privilégiant des jeunes artistes ou d’autres à la cote plus raisonnable. “On ne vend pas des choses très chères à Art Brussels, mais c’est une foire très active. Les ventes se situent plutôt entre
3 000 et 15 000 euros”, explique Bernard Vidal (Vidal-Saint Phalle, Paris), dont la sélection comprend notamment des œuvres de Piero Pizzi Cannella et de Per Kirkeby. De même, la galerie Sollertis (Toulouse) combine des œuvres de la Néerlandaise Madeleine Berkhemer et des photos de Stéphane Couturier avec des pièces historiques d’Urs Lüthi et de John Armleder, dans une gamme plutôt douce, entre 2 000 et 40 000 euros.
Terreau idéal
Certaines galeries jouent la carte de la séduction en taquinant la fibre chauvine des Belges. La galerie Les Filles du Calvaire (Paris) est allée au devant de la clientèle belge en ouvrant voilà un an et demi une antenne à Bruxelles. “En Belgique, nous avons une sensation d’air frais par rapport au regard des collectionneurs sur l’art. Les Belges ont une vraie culture, un vrai souci de l’artiste”, insiste Christine Ollier, directrice artistique de la galerie. Son stand sera l’écho de ses dernières expositions. Aline Vidal (Paris) présente de son côté des pièces choisies de trois créateurs belges : Benoît Plateus, Philippe de Gobert et Patrick Everaert. À l’image des Allemands ou des Américains, les collectionneurs belges soutiennent leurs artistes, mais sans nationalisme exacerbé. Les galeries s’efforcent d’adapter leur sélection en fonction des penchants observés les années précédentes. L’escarcelle de Daniel Templon (Paris) comprend ainsi Jan Fabre, grande vedette de la scène belge, et Jean-Marc Bustamante, dont l’œuvre bénéficie depuis longtemps d’un grand marché local.
Foire limitrophe, aux frais de transport raisonnables, Art Brussels est le terreau idéal pour les jeunes galeries en quête de visibilité. Si Nathalie Pariente et Kamel Mennour (tous deux à Paris) se sont désistés cette année, ce dernier en raison de son intronisation à la Foire de Bâle, d’autres jeunes galeries sont au programme. C’est le cas de Georges-Philippe et Nathalie Vallois (Paris), présents depuis 2002. “L’an dernier, on a eu pas mal de chance. On a vendu une pièce à un Français et, après la foire, on a négocié une œuvre de Jacques Villeglé de 1966 au Palais des beaux-arts de Bruxelles. En comparaison, à la Foire de Bâle, il nous a fallu quatre ans pour travailler vraiment”, déclare Georges-Philippe Vallois. Il présente cette année un florilège de sa galerie, de Gilles Barbier à Alain Bublex en passant par Keith Tyson, primé par le dernier Turner Prize. La très successful galerie Loevenbruck (Paris), adoubée par la sélection rituelle des “Faces of Power” du magazine Art and Auction, participe pour la première fois à la foire. Elle se concentre sur un one-man-show d’Olivier Blanckart. La carte de visite de la galerie bordelaise Decimus Magnus promet d’être aussi intrigante que son stand lors de la dernière FIAC. Les dix-neuf artistes de la galerie ont proposé des pièces spécifiques pour un projet de Georg Ettl, reprenant une ancienne exposition baptisée Musée de l’égalité. L’artiste allemand avait alors marié les œuvres du Musée de Krefeld à d’autres, factices.
Après le succès observé l’an dernier par Charles Sandison, désormais inclus dans l’écurie du marchand belge Albert Baronian, la galerie Frank a voulu réitérer l’expérience. “Les Belges sont très avant-gardistes, sans être pollués par des questions de marché et de ramdam médiatique”, estime Frank Elbaz. L’esprit de la foire, sans complexe et sans prétention, convient particulièrement à Éric Dupont et Philippe Casini, galeristes parisiens de qualité mais discrets, à l’image du public belge. Le premier compose son stand essentiellement autour de la sculpture, de Damien Cabanes à Corinne Sentou. Le second expose notamment Rémy Hysbergue et Nishikawa. La photographie enfin occupe une place grandissante au sein de la foire avec la présence de la galerie Vu, d’Esther Woerdehoff et de la galerie 213, Marion de Beaupré (Paris).
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Les Français présents en nombre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°168 du 4 avril 2003, avec le titre suivant : Les Français présents en nombre