Le budget annuel est le meilleur révélateur de l’action d’un ministère. Avant de plonger dans les neuf chantiers importants de celui de la Culture et les trois priorités du ministre, L’œil vous livre un cours accéléré de finances publiques.
Lorsque Frédéric Mitterrand monte sur l’estrade, ce jeudi 1er octobre, pour présenter à la presse le « très bon budget 2010 » de son ministère, il ne sait pas que cinq jours plus tard, il sera au centre d’une polémique à propos de son livre La Mauvaise Vie. Les épreuves personnelles s’ajoutent alors aux contraintes déjà fortes de l’action publique. Car à peine arrivé en fonction, il doit présenter un budget 2010 largement préparé par son prédécesseur tout en essayant de le marquer de son empreinte.
Un budget, c’est un peu des chiffres et des lettres : des crédits et des annonces. Autrement dit, des actions (p. 29 à 32) qui bénéficient de crédits significatifs dans le projet de budget 2010 et de grandes orientations pour les années futures (p. 33), si on lui en laisse le temps.
Le budget du ministère de la Culture fluctue selon ses attributions, structurées en missions et programmes. Depuis quelques années, celles-ci comprennent, outre la culture, le cinéma et la communication. Mais le périmètre ne cesse de changer. Ce peut être tout un service, telle la Direction du développement des médias qui passe de l’hôtel Matignon à la Rue de Valois, ou des petits bouts de programmes qui sont transférés d’un ministère à l’autre. Ainsi les dépenses d’entretien (100 000 euros) du fort de Brégançon, résidence de vacances du président de la République, ne seront plus à la charge de la Culture en 2010.
La construction du budget
Quant est-il du fameux et symbolique 1 % ? Si l’on parle uniquement du budget de la Culture, les 3,08 milliards d’euros prévus en 2010 représentent 0,83 % du budget total de l’État, mais si l’on prend tout le périmètre (hors dépenses fiscales), celui-ci passe à 2,24 %. À chacun de prendre la référence qui lui convient. Mais une chose est sûre, les marges de manœuvre sont limitées, surtout en période de vaches maigres.
Comme pour une entreprise ou un simple foyer, on ne construit pas le budget du ministère de la Culture à partir de zéro. La feuille Excel est déjà bien remplie. Il y a d’abord les dépenses de personnel. Avec 11 600 fonctionnaires et contractuels, la Culture (donc hors cinéma et communication) n’est pas un grand employeur public comme l’est, par exemple, l’Éducation nationale. Il n’empêche, ce poste pèse plus de 20 %, et ce ne sont pas les 415 emplois supprimés en 2010 en raison de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux qui vont alléger cette ligne.
À cela s’ajoute un bon milliard d’euros pour les subventions versées aux 80 grands établissements publics que sont le Louvre, la RMN, la BNF, l’Opéra… En théorie, il est possible de raboter ce poste, mais, dans la pratique, les contrôleurs financiers ne peuvent utiliser qu’une lime à ongles, au mieux une râpe. Comment couper dans les frais d’entretien ou de programmation d’un musée ? La même contrainte pèse sur le budget des DRAC qui irrigue en région les travaux de restauration des églises, les aides accordées aux associations culturelles ou aux écoles d’art.
Parfois, un ministre doit assumer une décision qui vient « d’en haut » : la suppression de la publicité sur la télé publique ou la gratuité d’entrée dans les musées nationaux pour les 18-25 ans, qu’il faut bien compenser. En 2010, cela représente un coût supplémentaire de 16 millions d’euros.
Un budget en hausse de 4 %
Restent alors les grands travaux, la seule variable significative d’ajustement de tout budget de la Culture. Or les grands travaux ou nouveaux équipements sont justement ceux que le public perçoit surtout de l’action du ministre. Le paradoxe ou l’injustice de la situation est que les ministres à qui l’on attribue le mérite d’un nouvel équipement ne sont pas ceux qui ont mis le plus la main à la poche. Le mandat d’un ministre étant, sauf quelques rares exceptions tel Jack Lang, inférieur au temps de construction, c’est le ministre qui annonce le grand équipement et celui qui l’inaugure qui en tirent profit.
Ainsi pour tenir la date d’ouverture du Centre des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, prévue en 2012, et annoncée en 2004 par Jean-Jacques Aillagon, il a fallu augmenter les crédits de paiement de 34 à 51 millions d’euros et donc déshabiller un autre équipement.
Pourtant, malgré ce qui vient d’être dit, le projet de budget de la Culture augmente de près de 4 % et même de 5,3 % à périmètre élargi. Comment expliquer ce petit miracle en ces temps de disette ? Tout simplement par le plan de relance de l’économie en 2009 et la volonté de Nicolas Sarkozy de pérenniser les 100 millions d’euros qui avaient été alloués aux monuments historiques dans le cadre de ce plan.
Dans le détail, tout n’est cependant pas aussi rose. Si effectivement le budget du patrimoine, qui pèse un peu plus de la moitié du budget Culture, augmente de plus de 9 %, celui de la création (spectacles vivants et arts plastiques) n’augmente que de 0,36 %, soit une baisse, si on prend en compte une inflation prévisionnelle, de 1,2 %, et celui de la transmission (enseignement artistique) est consolidé, comme on dit en langage ministériel, à 0,16 % !
Il serait alors tentant de conclure que le gouvernement privilégie le patrimoine au détriment de la création ou de l’enseignement des arts. D’un point de vue comptable, c’est vrai et il y a plusieurs raisons à cela : éviter le saupoudrage, gérer l’urgence que constitue la restauration et l’entretien de milliers d’édifices anciens, irriguer très rapidement le tissu économique et puis surtout protéger l’emploi. Le ministère avance le chiffre de 262 000 emplois induits liés à l’utilisation du patrimoine. Mais dans la pratique, il est très difficile d’évaluer l’efficacité de l’action publique.
C’est moins le montant des crédits qui compte que leur effet de levier. S’ajoute à cela que les résultats de l’action culturelle, surtout en terme de création, se laissent difficilement enfermer dans des indicateurs chiffrés.
Un dernier facteur, qui ne coûte rien, peut avoir un effet considérable sur le développement culturel : c’est le charisme du ministre de la Culture. Frédéric Mitterrand ne manque pas d’atouts personnels susceptibles d’avoir un effet d’entraînement. Il faut espérer que polémiques et controverses ne le handicapent pas trop.
La culture n'est pas toute la culture
Le budget du ministère de la Culture et de la Communication ne se limite pas à celui des musées, centres d’art, théâtres ou écoles. Il s’étend au cinéma (575 millions d’euros), à la presse (419 millions d’euros) et à l’audiovisuel public (3,8 milliards d’euros). Il convient aussi de mentionner les « dépenses fiscales », pour un montant de 782 millions d’euros, qui sont des réductions d’impôts pour des dépenses dans le domaine culturel. Deux éléments importants caractérisent ces autres lignes budgétaires en 2010. D’une part la compensation de 458 millions d’euros pour la suppression de la publicité sur les chaînes publiques et, d’autre part, l’aide importante ( 51 % à 419 millions) accordée à la presse pour l’aider à moderniser son réseau de distribution, ses imprimeries et faciliter le passage sur Internet. Un bon quart du budget presse subventionne cependant l’AFP, dont un projet de réforme risque d’occuper le ministre à la fin de l’année.
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Les 12 travaux de Frédéric Mitterrand
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Ministère de la culture et de la Communication - © DR
Palais de Tokyo, vue intérieure des espaces vacants du niveau 1 - © Photo : S. Couturier
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°618 du 1 novembre 2009, avec le titre suivant : Les 12 travaux de Frédéric Mitterrand