Economie

L’engouement des marques pour les métiers d’art

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 11 octobre 2019 - 502 mots

FRANCE

L’art contemporain doit dorénavant partager les opérations de mécénat et de sponsoring avec l’artisanat d’art qui devient très à la mode.

Christian Moretti, coutelier, lauréat 2005 du prix Liliane-Bettencourt pour l’intelligence de la main - métier du métal. © Photo Sophie Zénon
Christian Moretti, coutelier, lauréat 2005 du prix Liliane-Bettencourt pour l’intelligence de la main - métier du métal.
© Photo Sophie Zénon

Paris. Jamais l’intérêt des entreprises pour les métiers d’art n’a été aussi fort. En 1999, quand la Fondation Bettencourt Schueller crée le prix Liliane-Bettencourt qui récompense « l’intelligence de la main », les bottiers, canneurs-rempailleurs et autres céramistes (l’Institut national des métiers d’art, l’Inma, en recense 281) ne sont pas très bien considérés par le milieu de l’art et les marques de luxe. La fondation est la première, avec la Fondation Michèle et Marc Riboud (créée en 1988) à encourager les jeunes à s’engager dans ce secteur d’activité. À cette époque, les métiers d’art sont jugés ringards et les formations professionnelles qui y conduisent sont perçues comme des voies de garage. Et le risque de disparition de leurs savoir-faire ne mobilise guère les politiques.

Vingt ans plus tard, le décor a totalement changé. Le secteur connaît un nouvel essor et voit l’arrivée de plus en plus d’entreprises mécènes. Ces deux fondations familiales philanthropiques ont été rejointes par des marques de luxe, des maisons de couture, une banque (la Banque Populaire), des cabinets d’audit (Ernst & Young) via leur fondation respective.

Dans le même temps, la Fondation Bettencourt-Schueller a multiplié ses opérations au point de devenir un expert reconnu dans ce domaine. Elle remet des prix, soutient des artisans, des institutions publiques, telles que l’Opéra, le Palais de Tokyo, la Manufacture de Sèvres ou la Villa Kujoyama. « La Fondation Bettencourt-Schueller est de toutes les fondations la plus désintéressée, car elle ne vend aucun produit lié à ces métiers », souligne Lynn Cohen-Solal, présidente de l’Institut national des métiers d’arts et ancienne adjointe du maire de Paris en charge notamment des métiers d’arts (2008-2014).

Les engagements des entreprises varient d’une structure à l’autre ; la Fondation d’entreprise Hermès a créé une Académie des savoir-faire et un programme de perfectionnement professionnel ; LVMH a fondé l’Institut des métiers d’excellence et transforme actuellement l’ancien Musée des arts et traditions populaires en un centre culturel sur les métiers d’artisanat d’art. La maison Chanel va ouvrir, à Aubervilliers, un site consacré aux métiers d’art et instituer un prix pour les distinguer. La Fondation d’entreprise Martell accueille dans ses locaux en résidence de jeunes designers dont les œuvres seront exposées dans ses futurs espaces d’exposition. Un salon – Révélations – est même consacré aux créations des artisans d’art, effaçant un peu plus les frontières avec le design.

Comment expliquer ce changement d’attitude des marques ? « L’engouement pour les métiers d’art des entreprises du luxe est à relier au retour général sur l’identité, la traçabilité, le savoir-faire, l’originalité et l’émotion. Toutes ces maisons sont nées d’un métier d’art et voient bien les aspirations profondes de la société envers ces métiers que traduit l’accroissement des demandes de formations et de créations d’entreprises », explique la présidente de l’Inma. En associant leur nom aux métiers d’art, les marques récupèrent donc une image patrimoniale, plus fédératrice que l’art contemporain qui peut apparaître un peu trop élitiste.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°530 du 4 octobre 2019, avec le titre suivant : L’engouement des marques pour les métiers d’art

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