La France a mis en place d’importants programmes d’aide aux artistes ukrainiens accueillis en France, mais qui se heurtent à l’incertitude quant à l’évolution du conflit.
France. Dès le mois de mars, le ministère de la Culture français annonçait un fonds de soutien aux artistes ukrainiens d’un montant de 1,3 million d’euros. Cette réactivité est soulignée par plusieurs partenaires institutionnels ou associatifs, comme Erika Negrel, secrétaire générale du réseau Diagonal (réseau de centres d’art spécialisé en photographie) : « Nous avons déposé le dossier au ministère de la Culture à la mi-mars – les premières expositions étaient prévues en mai –, et le ministère a répondu très rapidement. La subvention représente 60 000 euros, c’est une somme conséquente. » Même impression à la Cité internationale des arts (Paris), où la directrice, Bénédicte Alliot, explique que « la première artiste ukrainienne est arrivée en mars ; le ministère a été très réactif pour nous soutenir ».
Le fonds finance à la fois la production d’expositions et de spectacles, des résidences et des bourses de séjour. Les bénéficiaires sont des structures françaises qui ont déjà accueilli des artistes en exil, notamment des Afghans et des Syriens. Le fonds alloue ainsi 700 000 euros à l’Atelier des artistes en exil et, actuellement, une dizaine d’artistes ukrainiens y ont trouvé un atelier. Mais ils sont plus nombreux à être accompagnés pour les démarches administratives et le développement de carrière, ce que vise aussi la subvention du ministère. D’autres ont été accueillis dans des écoles d’art ou des institutions culturelles grâce au programme « Pause » du Collège de France, dont la Cité internationale des arts est partenaire, de même que la Villa Arson et la Bibliothèque nationale de France. Le Collège de France précise que « “Pause” concernait jusqu’en 2021 les chercheurs et universitaires, pour des séjours de trois ou six mois, et [qu’] il a ensuite été ouvert aux artistes et professionnels de la culture ». En mars, « Pause » s’est vu attribuer 500 000 euros par le ministère de la Culture pour l’accueil des artistes concernés par la guerre en Ukraine. À ce jour, huit artistes ukrainiens ont bénéficié du programme, et un nouvel appel à candidatures est en cours. Enfin, le Centre culturel ukrainien s’active pour nouer des partenariats avec des institutions culturelles et des festivals.
La durée des séjours révèle la complexité de la situation : ils varient de trois mois à huit mois selon les lieux, mais de nombreux Ukrainiens ne souhaitent pas rester en France…
Erika Negrel confirme que les photographes exposés par Diagonal depuis mai sont pour la plupart en Ukraine ou dans les pays voisins : « Ces photographes ne veulent pas s’installer en France, ce qui explique que nous avons proposé une série d’expositions et non des résidences. » Elle ajoute que Diagonal avait reçu peu de candidatures pour une résidence en France sur le modèle du programme « Nafas » (destiné aux artistes libanais). Les photographes exposés par Diagonal font donc des allers-retours, malgré les difficultés : aux Photaumnales de Beauvais (jusqu’au 31 décembre), seule Anna Pylypyuk a pu venir au vernissage sur les sept Ukrainiens exposés. Si la jeune photographe appréciait d’être soutenue par les institutions françaises, elle n’envisageait pas de quitter Kiev, sauf pour une courte résidence. Erika Negrel indique que sur la trentaine de photographes ukrainiens soutenus, deux ou trois sont installés en France. Difficile dans ces conditions de chiffrer précisément le nombre d’artistes ukrainiens sur le territoire français.
À la Cité internationale des arts, les séjours durent plusieurs mois. Bénédicte Alliot dénombre une dizaine d’Ukrainiens à la Cité, certains présents depuis le mois de mars. Elle ajoute que souvent les artistes enchaînent plusieurs résidences, et cite « une artiste en résidence aux Récollets, lieu géré par la Ville de Paris, une à La Rochelle et une troisième à Berlin avec le soutien du Gœthe Institut ». Là encore, les artistes « ne se projettent pas forcément à long terme en France, même s’ils sont soutenus par des galeries ou des “curateurs” ». Elle précise enfin que ces artistes sont assez jeunes et majoritairement des femmes, quelle que soit la discipline concernée.
Les Ukrainiens sont confrontés à un dilemme, aggravé par l’incertitude de la guerre : partir ou rester. Il est alors difficile de prévoir le nombre d’artistes ukrainiens présents en France sur le long terme. Erika Negrel pointe un autre élément lié à la guerre qui se prolonge : « Les photographes nous disent parfois qu’ils ne veulent plus exposer en France, que ça ne sert à rien, même si nous leur proposons une rémunération et nous produisons aussi des interviews sur leur travail. » Toutefois, elle cite le cas de Katryna Rodchenko, directrice du festival Odesa Photo Days, partenaire de Diagonal, qui songe à s’établir en France après des soucis de visa à l’entrée en Pologne. Pour l’heure, le ministère de la Culture finance le programme de Diagonal jusqu’à l’été 2023 mais, à la Cité internationale des arts, Bénédicte Alliot attend les arbitrages du gouvernement : les deux structures veulent pourtant continuer de soutenir les Ukrainiens.
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Le soutien de la France aux artistes ukrainiens
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°600 du 2 décembre 2022, avec le titre suivant : Le soutien de la France aux artistes ukrainiens