Élément primordial du vocabulaire des artistes, la lumière met en valeur les formes et les volumes, sculptant les masses ou éclairant un visage, tour à tour moyen de représentation ou objet même de création. Aux outils traditionnels du peintre et du sculpteur, le XXe siècle a ajouté d’autres instruments, plus particulièrement alimentés par la Fée électricité : la lumière.
“Dieu dit : Que la lumière soit ! et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres. Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le premier jour”. Ainsi la Genèse explique-t-elle la naissance du jour, sorti des ténèbres. De même, la lumière a d’une certaine manière engendré l’œuvre d’art. La nature fait bien les choses, les hommes aussi. Ainsi, l’arrivée de la lumière électrique a non seulement révolutionné nos modes de vie au quotidien, réduisant de plus en plus la différence entre le jour et la nuit, mais encore a-t-elle ouvert de nouveaux horizons aux artistes plasticiens, puisqu’elle leur a permis, et leur permet encore aujourd’hui, de travailler directement ce médium dans toute sa pureté, en s’affranchissant des contraintes naturelles.
Depuis vingt ans, James Turrell manie la lumière électrique en expérimentant les façons dont elle transforme les espaces, en confrontant le visiteur à des univers purs, abstraits, insaisissables, simplement déterminés par quelques éclairages de couleur, éléments immatériels qui prennent paradoxalement du volume. “Mon art est en rapport avec la lumière elle-même. Ce n’est pas le vecteur d’une révélation, déclare l’Américain. Je réalise des espaces qui ne nous sont pas totalement inconnus, qui ressemblent à des espaces de rêve ; quand vous regardez à l’intérieur, les règles semblent différentes de celles qui régissent l’espace dans lequel vous évoluez”. Il s’affranchit de toute narration pour offrir matière à penser et à expérimenter, un univers spatial et abstrait. “La lumière est un matériau que j’utilise et que je manipule pour travailler sur le médium de la perception”, poursuit l’artiste. Il n’utilise pourtant pas seulement la lumière artificielle puisqu’il développe, depuis de longues années, le projet Roden Crater, redessinant la cime du cratère de ce volcan de l’Arizona et creusant un tunnel à partir duquel il sera permis d’observer la voûte céleste.
À côté de ce travail sur la “nature”, de nombreux artistes ont aujourd’hui repris à leur compte les éclairages urbains qui illuminent nos villes de mille feux, la nuit. “À la fin des années soixante-dix, le rapport à l’espace change. [...] Les enseignes lumineuses sont des signes urbains que l’on rencontre un peu partout dans les rues de nos villes. Sortis du cadre du musée ou de la galerie, mes travaux acquièrent un rôle semblable à celui des enseignes ordinaires, tout en le remettant en question”, souligne l’Italien Maurizio Nannucci. Qui dit éclairage urbain dit néon, un médium qui renvoie inévitablement au travail de Dan Flavin : en 1963, il a dédié à Brancusi un néon blanc disposé en diagonale. Ici encore, la lumière appelle de multiples références (le jour, l’âme, l’esprit, la raison de vivre…) et touche à des notions quasi mystiques. D’autres “éclairages” sont proposés par Michel Verjux, avec des projections lumineuses dans l’espace, des formes géométriques – cercles, carrés, demi-cercles, cercles brisés – réalisées grâce à de puissants projecteurs de théâtre. Le spectateur devient alors acteur sur cette scène où l’artiste fait toute la lumière.
- JAMES TURRELL, 27 avril-18 juillet, Fondation Électricité de France, Espace Électra, 6 rue Récamier, 75007 Paris, tél. 01 53 63 23 45, tlj sauf lundi 12h-19h.
- LUMIÈRE AUX CORDELIERS, 26 avril-4 juin, Couvent des Cordeliers, 15 rue de l’École-de-Médecine, 75006 Paris, tél. 01 43 29 39 64 ou 01 40 46 05 47, tlj sauf lundi 11h-19h.
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Le siècle des lumières
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°102 du 31 mars 2000, avec le titre suivant : Le siècle des lumières