Qui connaît aujourd’hui Nicolas Prévost (1604-1670) ? Le château de Richelieu, au décor duquel il a tant contribué, semblait l’avoir entraîné dans sa disparition. La redécouverte de tableaux dans les réserves du musée d’Orléans ; puis à Vendôme, présentés dans l’exposition « Les maîtres retrouvés », ont permis de rendre corps à une œuvre décimée.
En 1635, Nicolas Prévost, protégé du cardinal de Richelieu, touchait 1 200 livres des Bâtiments du Roi, alors que Simon Vouet, premier peintre du Roi, n’en percevait guère plus (1 500). Pendant huit ans, de 1634 à 1642, ce peintre, formé dans l’atelier de Quentin Varin, a travaillé au décor du château que Richelieu faisait bâtir en Touraine par Jacques Lemercier. En 1641, il livre à la corporation des orfèvres le May offert à Notre-Dame de Paris, une Décollation de saint Jacques le Majeur. Malgré ces brillants états de service, l’artiste avait disparu des histoires de l’art, jusqu’à ce que John E. Schloder vienne en rappeler l’existence dans les années quatre-vingt, grâce à ses travaux sur la peinture au château de Richelieu. L ‘historien s’était notamment appuyé sur un guide rédigé par Vignier en 1676, qui décrivait avec précision le décor de chaque pièce. Ne manquaient plus que les œuvres.
De 1994 à 1997, une dizaine de toiles roulées ont été découvertes dans les réserves du Musée des beaux-arts d’Orléans où elles avaient été entreposées dès 1851, avant de disparaître des inventaires. Offertes en 1824 par un certain Louis-Auguste Pilté, dit Pilté-Grenet, elles se sont révélées provenir du château de Richelieu. Si une partie des tableaux est malheureusement ressortie ruinée d’un si long séjour en réserve, quatre grandes toiles ont néanmoins pu être restaurées, révélant un peintre raffiné. D’autre part, dans les réserves du Musée de Vendôme cette fois, six peintures de Prévost représentant les Vertus et provenant vraisemblablement de Richelieu, ont été retrouvées. Déposées en 1872 par le Musée du Louvre, elles ont été transférées à Orléans, portant ainsi à quarante le nombre de tableaux issus de la demeure cardinalice, avec les Quatre éléments de Claude Deruet, ou encore les Apôtres et les Pères de l’Église de Martin Fréminet.
Pour l’appartement du Roi, Nicolas Prévost avait conçu, d’après l’Iliade, une série sur l’histoire d’Achille. De cet ensemble de neuf toiles, outre un Thétis recevant de Vulcain les armes qu’il a forgées pour Achille ruiné, ne reste que le Sacrifice de Polyxène sur le tombeau d’Achille, où la victime exhibe une opulente poitrine et une solide constitution que n’aurait pas désavouées Simon Vouet. Difficile d’échapper, en ces années 1630, à l’ascendant de l’omniprésent peintre du Roi ; pourtant, dans une œuvre comme Porcia avalant les charbons ardents après la mort de Brutus, la sophistication et le raffinement dans le coloris, la recherche d’élégance dans la silhouette allongée des figures distinguent la manière de Prévost. “Ses coloris nous ramènent au décor des palais italiens, plus qu’à la peinture de chevalet de Vouet, note Éric Moinet, conservateur des Musées d’Orléans. De la Rencontre de Salomon et la reine de Saba sous les traits d’Henri IV et de Marie de Médicis à Porcia, on perçoit bien cette évolution, de Vouet aux Italiens, vers une forme épurée de l’atticisme.”
La découverte des toiles de Prévost est d’autant plus importante que jusqu’à présent, seule une série de cinq peintures à la cathédrale de Tours, un tableau très restauré et deux autres ruinés, et un ensemble en collection privée représentant les Femmes fortes de l’Antiquité avaient été identifiés. Sachant qu’outre les œuvres déjà mentionnées, il a réalisé à Richelieu le plafond et une grande partie des peintures des lambris ornant le cabinet de la Reine, le plafond de la galerie organisé autour d’un cycle consacré à Ulysse, ainsi que des œuvres tirées de l’Ancien Testament et les Quatre vertus cardinales pour la chapelle, il est vraisemblable que “d’autres tableaux peuvent être retrouvés dans des collections privées attribués à l’entourage de Vouet, dans des églises, des châteaux...”, estime Éric Moinet. À suivre donc.
À l’image de Nicolas V visitant le corps de saint François dû au pinceau de Jacques Blanchard, une imposante série de grands formats a été sortie des réserves du Musée des beaux-arts d’Orléans. La plupart avaient été peintes pour des institutions religieuses, nombreuses dans la cité orléanaise au XVIIe siècle. Parmi les 150 toiles présentées aujourd’hui dans l’exposition "Les maîtres retrouvés", on compte un Saint François-Xavier devant la Vierge à l’Enfant de Michel Corneille le père, ou encore une Sainte Famille de Louis de Boullogne, venu à Orléans pour le décor du palais épiscopal et entraînant à sa suite des artistes de Versailles. À côté de ces raretés, seront accrochés des tableaux mieux connus, signés Baugin, La Hyre, Bourdon ou Le Nain, ainsi qu’une importante sélection de dessins, parfois inédits, de nombre des grands artistes français de l’époque.
- LES MAÎTRES RETROUVÉS, CHEFS-D’ŒUVRE DU GRAND SIÈCLE, 19 avril-fin juin, Musée des beaux-arts, 18 place Sainte-Croix, 45000 Orléans, tél. 02 38 79 21 55, mardi et dimanche 11h-18h, mercredi 10h-20h, jeudi, vendredi et samedi 10h-18h, fermé lundi et 1er mai.
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Le peintre du Cardinal
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°102 du 31 mars 2000, avec le titre suivant : Le peintre du Cardinal