Le Sénat veut taxer les images référencées par Google

Le texte de l’article 10 quater du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine constitue la troisième tentative d’un réajustement de la répartition de la richesse générée sur Internet par l’exploitation d’œuvres couvertes par le droit d’auteur.

Après la proposition de loi déposée par l’ancien sénateur Philippe Marini le 8 avril 2014 et les amendements déposés en septembre 2015 par des députés Les Républicains sur le projet de loi création, l’adoption du présent amendement vient consacrer un dispositif de gestion collective obligatoire en matière de référencement d’images sur Internet. Et ce, malgré l’avis défavorable du gouvernement, fondé non sur le principe d’une rémunération des auteurs par un tel mécanisme mais sur une possible incompatibilité de celui-ci au regard des textes et décisions de l’Union européenne.

Fortement soutenu par la Société des auteurs des arts visuels et des images fixes (SAIF), le texte introduit, selon cette société de gestion collective, « une obligation de rémunérer les auteurs pour les moteurs de recherche ayant, sans autorisation des auteurs, ni contrepartie, publié leurs œuvres graphiques, plastiques et photographiques en accès libre et gratuit pour le public. »

Adopté en séance publique au Sénat, avec un large consensus dépassant les clivages politiques traditionnels, le mécanisme est louable en son principe, mais bien délicat dans sa mise en œuvre.

En premier lieu, sont visés les « services de moteur de recherche et de référencement », catégorie particulièrement floue, qui entraîne une insécurité juridique sur le champ d’application du mécanisme instauré. De même, est visée la « publication d’une œuvre d’art plastique, graphique ou photographique » : toute publication d’une photographie pourrait donner prise à une cession automatique du « droit d’indexation » au profit des sociétés de gestion collective, du cliché pris en vacances à la photographie artistique. Le caractère automatique de la cession de droit est également critiquable, puisqu’il s’oppose à la liberté de choix dont sont investis les ayants droit, choix d’adhérer ou non à une société de gestion collective, choix de diffuser ou non gratuitement son œuvre par le biais d’une licence Creative Commons par exemple.

Mais la cession automatique renforcerait la légitimité et le poids des sociétés de gestion collective afin de conclure des conventions avec les moteurs de recherche et de référencement, en vue d’autoriser la reproduction et la représentation des œuvres et de percevoir les rémunérations correspondantes. À ces différents acteurs de définir alors le barème et les modalités de versement ; à défaut d’accord, cette décision reviendrait à une commission paritaire. Là encore, une difficulté existe puisque les services automatisés de référencement d’images, tels que Google Images ou Qwant, ne sont pas accompagnés de publicités et ne génèrent donc pas, en eux-mêmes, de profits.

Autre société de gestion collective concernée par le mécanisme, l’ADAGP s’est dite « favorable à la mise en place d’un système permettant de rémunérer les auteurs sans remettre en cause l’existence ni empêcher le développement des services de référencement », tout en proposant « quelques aménagements (qui) paraissent toutefois opportuns en vue de bien encadrer le dispositif ».