La Haute Cour de justice de Los Angeles a rejeté toutes les prétentions de Joan Weiss, nièce de la femme du milliardaire Armand Hammer, à l’égard de la collection du Musée Armand Hammer. Le musée a malgré tout décidé de se séparer du codex de Léonard de Vinci, dit "Codex Hammer", qui sera mis en vente le 11 novembre prochain, chez Christie’s New York. Il devrait atteindre 10 millions de dollars (53 millions de francs environ).
LOS ANGELES - Le "Codex Hammer", propriété du Musée Armand Hammer – le dernier des carnets de Léonard de Vinci encore en possession d’un collectionneur privé –, sera mis en vente chez Christie’s New York le 11 novembre. Ce carnet de 72 pages pourrait atteindre un prix de vente de 10 millions de dollars (53 millions de francs).
Le codex est en excellent état. Il date des années 1506-1508, comporte 18 feuilles de papier, chacune pliée en deux, rédigées recto-verso de l’écriture "en miroir" de l’artiste, et 360 dessins et croquis. Il traite de sujets scientifiques – astronomie, géologie, cosmogonie et hydraulique –, allant de théories sur la genèse de la géographie de la terre – en passant par une explication exacte de la luminosité de la lune et l’étude de la locomotion dans l’eau –, jusqu’à la description de la construction et de l’entretien des canaux. Rédigé à Florence et Milan entre 1506 et 1508, son enveloppe d’origine a servi de dossier, que Léonard a continué à enrichir de pages de notes. À la mort de Léonard, en 1519, son assistant Francesco Melzi n’a pas mentionné le codex parmi les 5 000 pages de manuscrits répertoriées.
Au XVIe siècle, ce manuscrit était la propriété du sculpteur milanais Guglielmo della Porta, et fut redécouvert dans ses papiers par le peintre Guiseppe Ghezzi, qui le vendit en 1717 à Thomas Coke, futur comte de Leicester. En 1980, Armand Hammer s’en porta acquéreur chez Christie’s Londres, pour 2,4 millions de livres (20 millions de francs environ), prix record atteint par un manuscrit.
Cette vente est la conséquence du procès engagé, en juillet 1990, par Joan Weiss – nièce et seule héritière de Frances Hammer la troisième épouse d’Armand Hammer –, qui prétend que le Dr. Hammer a dupé sa tante en l’amenant à renoncer à ses droits sur la communauté des biens. Ces droits, en effet, autoriseraient Joan Weiss à réclamer la moitié de la succession du philanthrope d’origine russe, y compris les œuvres d’art transférées au musée.
Selon Dan Petrochelli, l’avocat chargé de défendre la Fondation, Frances avait signé une renonciation à tout droit sur les œuvres d’art que possédaient son mari ou la Fondation Armand Hammer, l’organisme par le biais duquel le milliardaire a transmis sa collection au musée qui porte son nom. Il ajoute : "les Hammer n’étaient pas mariés sous le régime de la communauté des biens, chacun conservait ses biens propres".
En août, Henry W. Shatford, juge de la Haute Cour de Los Angeles s’est appuyé sur ces documents, et a tenu compte du long délai écoulé avant que Joan Weiss ne se manifeste, pour prendre une décision préalable au procès. Il a rejeté toutes les prétentions de Joan Weiss à l’égard de la collection du musée. "La plaignante n’a pas pu fournir la moindre preuve de ses allégations" a-t-il déclaré au Los Angeles Times. Joan Weiss maintient ses prétentions à l’héritage. Son avocat assure que sa cliente va faire appel de la décision prise par le juge de Los Angeles, en contestant à nouveau la propriété des œuvres d’art. Dans cette hypothèse, il peut s’écouler un délai d’un an entre l’appel et le jugement.
Les deux avocats représentant la succession Hammer et la Fondation ont déposé une plainte contre Joan Weiss, l’accusant d’avoir elle-même contraint sa tante, alors âgée de 86 ans, à modifier son testament, dont la dernière version – rédigée par le propre avocat de Joan Weiss – réaffirme les droits de Frances sur la communauté des biens, et désigne Joan Weiss comme bénéficiaire à la place de la Fondation Armand Hammer. Dans leur demande reconventionnelle, les avocats cherchent à invalider le dernier testament de Frances et à récupérer, à cette occasion, tout ou partie des 15 millions de dollars laissés en héritage à Joan Weiss et son ex-mari.
À l’annonce du procès, l’université de Californie à Los Angeles – UCLA –, en tant que gestionnaire du musée, avait exigé que des mesures soient prises pour réunir les fonds nécessaires aux frais correspondants.
Le comité de direction avait alors établi une sélection d’œuvres d’art (représentant environ 30 millions de dollars) susceptibles d’être vendues et conservées en dépôt fiduciaire. La collection fut évaluée par Sotheby’s, fin 1993. Les experts classèrent les œuvres selon leur importance dans la collection : les œuvres les moins significatives furent inclues dans ce dépôt, et parmi elles le codex, qui malgré son importance inestimable, fut considéré comme un document scientifique, "dont la vente ne modifierait pas la valeur artistique profonde des ...collections".
À l’université de UCLA, Henry Hopkins, conservateur en chef du musée de l’université, du Centre culturel et du Musée d’art Hammer, précise : "Bien que l’issue du procès soit positive, le contrat entre UCLA et Hammer stipule que les œuvres d’art sont en dépôt fiduciaire pendant une période de huit ans, ou jusqu’à ce que tous les litiges en cours soient réglés. La vente du codex de Léonard de Vinci aura lieu comme prévu. Espérons qu’aucun problème ne se présentera d’ici là et, dans huit ans, l’heureux directeur du musée disposera d’une coquette somme pour acheter des œuvres d’art".
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Le dernier codex de Léonard aux enchères
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°7 du 1 octobre 1994, avec le titre suivant : Le dernier codex de Léonard aux enchères