Le juge demande à l’État de réintégrer des parcelles dans des domaines nationaux dont l’une concédée au Hangar Y à Meudon.
Hauts-de-Seine. Depuis juin 2022, les limites du domaine national de Meudon, nouvellement créé, comportaient une étrange enclave : l’un des côtés du bassin hexagonal situé au bout de la grande perspective de Meudon ne faisait pas partie des limites du domaine. Un petit îlot de 5 000 m2 échappant à l’inconstructibilité qui s’applique aux domaines nationaux, et sur lequel l’entrepreneur Frédéric Jousset a pu élever un restaurant, tout près du Hangar Y dont il est gestionnaire via une de ses entreprises. Saisi par un recours de l’association Sites & Monuments, le Conseil d’État « invite » le ministère de la Culture à réintégrer cette parcelle au domaine national.
Cette décision se double de la réintégration de deux parcelles au sein des limites du domaine national de Saint-Cloud : le pavillon de Breteuil, et les étangs de Corot à Ville d’Avray. Une « bonne surprise », pour l’association de défense du patrimoine, qui ne s’attendait pas à voir cette requête fructifier devant le Conseil d’État. « Le fait que le Conseil d’État accepte d’exercer un contrôle normal sur la délimitation des domaines nationaux est en soi intéressant. Sur quatre recours posés, deux ont été entendus », se félicite son président Julien Lacaze.
L’association avait participé au travail législatif aboutissant à la création des domaines nationaux en 2016, introduisant l’idée d’une hybridation entre patrimoine historique et naturel, et le principe d’inconstructibilité. C’est dans cet esprit que Sites & Monuments a contesté devant le Conseil d’État les délimitations de quatre domaines.
Au bord du bassin de Meudon, l’exclusion de la petite enclave déboisée puis construite s’est avérée injustifiée au regard de la loi, et « contradictoire avec l’objectif que poursuit l’État de reconstituer la “Grande Perspective” initialement aménagée au XVIIe siècle » selon la décision rendue par le Conseil d’État. La réintégration de cette parcelle dans le domaine national n’a pas d’effet rétroactif sur le permis de construire du restaurant. En revanche, elle assure que le terrain reviendra dans le domaine public à l’issue de l’actuelle concession : « C’est ce qui se passe souvent, relève Julien Lacaze, à la fin d’un bail de longue durée, l’exploitant demande la cession du bien, comme avec la caserne Pion à Versailles. Maintenant, il y a une véritable inaliénabilité, ça ne pourra pas se produire. Et l’intégration au domaine national permet de cadrer une éventuelle évolution, extension du restaurant. »
Au sein du domaine de Saint-Cloud et les étangs de Corot, le pavillon de Breteuil est également intégré au périmètre patrimonial, alors qu’il en était exclu par le tracé adopté en 2022. Siège du Bureau international des poids et mesures (BIPM), le pavillon du XVIIIe siècle symbolisant le rôle de la France dans l’établissement d’un système de mesures international est réintégré au domaine, sur la base de son « lien exceptionnel avec l’histoire de la Nation », l’un des critères d’appréciation des domaines nationaux.
Distants de plus d’un kilomètre des jardins de Saint-Cloud, les étangs de Corot à Ville-d’Avray sont également intégrés au domaine national. Alors qu’ils font l’objet d’une campagne de travaux de sécurisation menée par le Centre des monuments nationaux (CMN), campagne dénoncée pour les atteintes paysagères et environnementales portées à ce cadre bucolique, les étangs ont été reconnus comme indissociables du domaine de Saint-Cloud « pour des raisons à la fois historiques, artistiques, et écologiques ».
Réservoir d’approvisionnement des eaux du domaine, les étangs de Corot symbolisent pour Site & Monuments la double dimension patrimoniale et écologique des domaines nationaux. Alors que cinq nouveaux domaines ont été délimités par décret le 24 mai dernier (Versailles, Saint-Germain-en-Laye, Marly et Fontainebleau), le président de l’association envisage à nouveau de contester ces limites afin d’obtenir l’intégration des forêts et des réseaux hydrauliques. Du côté de Ville-d’Avray, l’intégration des étangs pourrait ouvrir à une contestation de la seconde phase des travaux, dont le permis de construire est validé, mais pas encore exécuté.
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Le Conseil d’État redessine les limites de plusieurs domaines nationaux
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°636 du 21 juin 2024, avec le titre suivant : Le Conseil d’État redessine les limites de plusieurs domaines nationaux