États-Unis - Restitutions

L’Art Institute of Chicago veut garder son Schiele 

Par Marion Krauze · lejournaldesarts.fr

Le 30 avril 2024 - 471 mots

NEW YORK / ÉTATS-UNIS

Le musée conteste la demande de restitution par les héritiers de son possesseur, arguant de la validité de son acquisition.

Egon Schiele (1890-1918), Prisonnier de guerre russe (détail), 1916, aquarelle sur graphite, 43 x 30 cm. © Art Institute of Chicago
Egon Schiele (1890-1918), Prisonnier de guerre russe (détail), 1916, aquarelle sur graphite, 43 x 30 cm.

Confronté à une demande de restitution, l’Art Institute of Chicago a fourni devant la Cour suprême, mardi 23 avril, un dossier détaillé pour attester qu’il détiendrait en toute légalité l’aquarelle Prisonnier de guerre russe, réalisée par l’expressionniste autrichien Egon Schiele (1890-1918) en 1916. En février dernier, une requête avait été déposée par le procureur de New York réclamant la restitution du dessin, estimé à 1,25 million de dollars (1,17 M€), arguant qu’il aurait été pillé par les nazis. Une allégation qui, selon le musée, serait « factuellement non étayée et fausse ».

Avant d’être acheté par l’Art Institute of Chicago en 1966, le dessin d’Egon Schiele faisait partie de la collection de Fritz Grünbaum, un artiste de cabaret juif autrichien envoyé au camp de concentration de Dachau en 1938, où il est décédé trois ans plus tard. Le musée affirme que Mathilde Lukacs, la belle-sœur de Fritz Grünbaum, aurait légitimement hérité de l’œuvre puis l’aurait vendue au marchand d’art suisse Eberhard Kornfeld en 1956.

Egon Schiele Prisonnier guerre russe
Egon Schiele (1890-1918), Prisonnier de guerre russe, 1916, aquarelle sur graphite, 43 x 30 cm.

Selon ses héritiers, Fritz Grünbaum aurait en réalité été contraint de remettre l’œuvre aux autorités nazies en 1938, avant d’être déporté. Dans la plainte déposée en février, le procureur a indiqué que le musée a fait preuve d’« un aveuglement volontaire » lorsqu’il a acquis le dessin. Ils affirment que la transaction entre Mathilde Lukacs et Eberhard Kornfeld aurait sciemment été falsifiée par ce dernier, accusé d’avoir blanchi des œuvres d’art spoliées par les nazis. Toujours selon lui, le Prisonnier de guerre russe aurait rejoint avec le reste de la collection l’entrepôt Schenker & Co. en 1938 – une société viennoise affiliée aux nazis – avant d’être vendu pour financer l’effort de guerre.

L’Art Institute of Chicago objecte qu’aucune preuve fiable n’étaye le passage du dessin à Schenker & Co. et que même si c’était le cas, l’entrepôt fournissait également des services légaux de stockage et de déménagement dans toute l’Europe. « Les principales allégations soulevées […] ont fait l'objet de décennies de procès civils approfondis et d'enquêtes gouvernementales, qui ont généralement abouti à la conclusion opposée », selon laquelle l’œuvre « n'a pas été volée pendant la Seconde Guerre mondiale », a souligné le musée dans son dossier.

Cela fait plusieurs années que les héritiers de Fritz Grünbaum réclament la restitution du Prisonnier de guerre russe et de nombreuses autres œuvres d’Egon Schiele, dispersées dans les collections américaines. En 2018, le collectionneur Richard Nagy a dû suspendre la vente de deux d’entre elles. En 2023, le parquet de Manhattan avait tranché en faveur des héritiers et sept autres dessins leur avaient été restitués par le MoMA, la Morgan Library de New York, le Santa Barbara Museum of Art, la collection Ronald Lauder et le trust Vally Sabarsky.

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