Les musées américains, qui se défendent de détenir des œuvres d’art pillées par les nazis, se sont cependant engagés à rechercher dans leurs collections les pièces à la provenance douteuse. Mais le Congrès juif mondial leur reproche de traîner les pieds.
NEW YORK (de notre correspondant) - Citant en exemple la récente liste dressée par les musées britanniques (lire le JdA n° 103), le Congrès juif mondial déclare avoir identifié dans les collections américaines des œuvres qui auraient été pillées durant la période nazie. Le Metropolitan Museum of Art était mis en cause à propos de deux œuvres : le Portrait d’un homme par Pieter Paul Rubens (1597), car le nom du marchand nazi Karl Haberstock étant mentionné dans sa provenance, et la Délivrance de saint Pierre de David Teniers le Jeune, un tableau décrit en 1984 dans une publication du Met comme ayant été volé par les nazis à ses propriétaires viennois. Ces accusations se sont révélées sans fondement. Le Rubens a été vendu par Haberstock à un collectionneur américain dans les années vingt, avant que le marchand n’entretienne de lucratives relations avec Hermann Goering, et le tableau de Teniers a été restitué après la guerre à ses propriétaires, qui l’ont plus tard donné au Met.
L’Art Institute de Chicago admet détenir un Gustave Courbet de 1869, Rocher à Hautepierre, vendu sous la contrainte, dans les années trente, par la famille Silberberg de Breslau, qui cherche aujourd’hui à récupérer des œuvres réapparues dans des musées à Berlin, en Israël et aux États-Unis. Le Los Angeles County Museum of Art examine actuellement la provenance d’une Vierge à l’Enfant exécutée au XVe siècle par le Maître du Jugement de Pâris du Bargello, vendue par un autre marchand nazi, Hans Wendland. De son côté, le Museum of Modern Art de New York, qui est intervenu auprès du ministère américain de la Justice pour le retour en Autriche du Portrait de Wally par Egon Schiele, envisagerait de prendre en compte des demandes de restitution portant sur quelques peintures de ses collections, mais sans préciser lesquelles. Et la National Gallery of Art de Washington enquête sur la provenance d’une Nature morte aux fruits et gibier de Frans Snyders, elle aussi passée entre les mains de Karl Haberstock. Le Musée des beaux-arts de Boston vient de mettre sur son site internet une liste de sept tableaux à l’origine incertaine, des œuvres de Jan van Beers, Domenico Fetti, Herri Met de Bles, Zanobi di Jacopo di Piero Machiavelli, Eglon van der Neer, Lippo Vanni et Joachim Anthoniesz Wtewael. Le site (www.mfa.org) présente une photographie de chacun des tableaux, accompagnée des informations disponibles sur les collections auxquelles ils ont appartenu et sur les transactions auxquelles ils ont donné lieu avant ou après 1945.
En général, les renseignements sur les œuvres “suspectes” ne proviennent pas de revendications légales, mais du Congrès juif mondial et de journalistes d’investigation, ces informations figurant souvent sur le site Internet du Getty. Les spécialistes des questions de restitution sont sceptiques ; ils se demandent pourquoi les musées qui se sont engagés à rechercher dans leurs collections des œuvres spoliées pendant la guerre apprennent l’existence des pièces litigieuses par la presse. Selon Willi Korte, un enquêteur chevronné dans ces affaires, la pression a contraint les musées à agir. “Brusquement, les musées trouvent des peintures et ils s’empressent de publier des informations sur les œuvres contestables de leurs collections”.
Le J. Paul Getty Museum, l’Art Institute de Chicago, le Met et d’autres musées devaient dresser pour la mi-avril des listes d’œuvres à la provenance douteuse. Pour Elan Steinberg, du Congrès juif mondial, l’audience de la Commission consultative présidentielle sur les biens de l’Holocauste aux États-Unis, prévue 12 avril à New York, “devrait porter un jugement sévère sur l’attitude des principaux musées”.
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Les musées américains sous pression
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°104 du 28 avril 2000, avec le titre suivant : Les musées américains sous pression