Les musées multiplient les initiatives pour favoriser l’accueil des scolaires et répondre aux difficultés de l’enseignement des arts à l’école.
Éveiller le regard, ouvrir l’esprit, susciter des émotions, mais aussi former le public de demain aux pratiques muséales et faire venir de nouveaux visiteurs : les enjeux liés à l’accueil du public scolaire au musée sont connus et reconnus par tous. En revanche, obtenir les moyens nécessaires à leur mise en œuvre demeure plus compliqué à l’heure où l’Éducation nationale est sommée de faire des économies. Depuis la circulaire de 2007, les enseignants doivent « inscrire une dimension artistique et culturelle dans leur projet » et consacrer une vingtaine d’heures par élève à l’enseignement des arts à l’école, devenu une épreuve obligatoire au brevet des collèges. Les musées sont, quant à eux, priés d’aider les établissements scolaires à trouver des solutions, et ce dans un contexte tendu puisque, depuis quatre ans, les postes d’enseignants mis à disposition des musées par l’Éducation nationale ont été supprimés. « Face à cette situation, les musées et l’école se retrouvent bien seuls. On demande au musée de donner un maximum pour pallier le déficit cruel de l’enseignement des arts à l’école. Nous nous efforçons de fournir au corps enseignant tout ce qui est réclamé par la tutelle », témoigne Martine Kaufmann, chef du service culturel du Musée d’Orsay. Comme elle le rappelle, l’attention portée au public scolaire n’est pas une nouveauté et chaque musée digne de ce nom est doté d’un service éducatif. Même si celui-ci est régulièrement victime de coupes budgétaires en ces temps de vache maigre, les élus ne peuvent ignorer une demande qui va croissante.
En lien avec les programmes
Au Musée des beaux-arts de Nantes, c’est l’absence de salle dédiée à l’accueil des scolaires qui a décidé du lancement des travaux de rénovation actuellement en cours. Le musée reçoit 30 000 élèves par an. Depuis son arrivée à la tête du musée en 2006, Blandine Chavanne a mis l’accent sur l’aide à la visite avec l’intégration de médiateurs. Les professeurs des écoles, collèges et lycées peuvent choisir entre deux options : soit une visite guidée par un tiers, soit une visite autonome qu’ils auront préparée en amont. Le Musée du quai Branly propose pléthore de formules aux 140 000 scolaires qui s’y pressent chaque année – un chiffre multiplié par deux depuis son ouverture en 2006. Activités adaptées à chaque tranche d’âge, visites guidées à la carte menées par la quarantaine de conférenciers qui travaillent pour le musée, intervention de conteurs qui sensibilisent au patrimoine immatériel, « e-malette » sur Internet pour préparer la visite : le musée ne laisse rien au hasard. « Notre souci est de donner le maximum d’outils aux enseignants. Nous avons tissé des liens très forts avec les différentes structures de l’Éducation nationale, les académies autour de Paris et une communauté d’enseignants passionnés qui animent des groupes de réflexion et diffusent les informations », explique Fabrice Casadebaig, directeur des publics au Musée du quai Branly. Ici comme ailleurs, les propositions faites par le musée sont intimement liées aux programmes scolaires. Rosa Djaoud, responsable de projets éducatifs au service culturel du Musée d’Orsay (l’établissement accueille 150 000 scolaires par an) et ancienne enseignante, le confirme : « Nous suivons en permanence l’évolution des programmes d’histoire-géographie, de lettres et des arts plastiques pour répondre aux demandes très précises des enseignants. Nous cherchons ainsi à développer des thématiques transversales pour rejoindre les matières enseignées. » Les musées de beaux-arts doivent en effet élaborer des programmes spécifiques intégrant aux disciplines enseignées des notions d’histoire de l’art.
Pour un établissement à vocation historique comme le Musée de l’armée, la démarche est plus aisée puisque le parcours cadre parfaitement avec les programmes d’histoire, en particulier avec ceux des classes de CM1-CM2 et du collège. Le Musée de l’armée emploie cinq personnes pour assurer les visites guidées et élaborer les outils mis à disposition du jeune public dans les espaces du musée. « La visite est toujours plus bénéfique quand le sujet a été débroussaillé en classe. Certains enseignants reviennent plusieurs fois ; ils se sont spécialisés sur le plan pédagogique et administratif pour tirer le meilleur parti de la visite. On assiste à une professionnalisation des visites scolaires », explique François Lagrange, chef de l’action pédagogique et des médiations au Musée de l’armée. « Les enseignants ne viennent pas par hasard souvent leur projet a été pensé, préparé », renchérit Rosa Djaoud.
Au Palais des beaux-arts de Lille – le musée accueille 40 000-50 000 scolaires à l’année, soit 15 % des visiteurs –, le service des publics, dirigé par Anne-Françoise Lemaître, est parvenu, non sans mal, à préserver les deux postes d’enseignants à mi-temps affectés au musée depuis 1997. Ils représentent un relais efficace entre le musée et le corps enseignant, aidant à élaborer les programmes et à mettre sur pied des formations. Car c’est surtout à travers les formations proposées par les musées que les enseignants trouvent réponse à leurs nombreuses questions. Au Louvre, on privilégie cette voie. Les formations dispensées aux enseignants, et plus encore aux formateurs d’enseignants, ont été depuis une quinzaine d’années étendues aux éducateurs du champ social et aux animateurs de centre de loisirs. « Les ateliers et visites-conférences donnent le goût à certaines pratiques culturelles, mais ils ne résolvent pas tout. Notre réflexion vise l’avant et l’après-visite au musée, avec l’ambition de modifier en profondeur la démarche éducative. Nous voulons que les enseignants se réapproprient notre démarche et qu’ils soient à l’aise au musée. Nous travaillons pour que le musée soit un lieu familier où chacun peut et a les moyens de construire un projet. Nous nous situons dans un enseignement de l’art et dans un enseignement par l’art : il faut donner des clefs de compréhension de l’œuvre d’art et faire en sorte qu’elle soit stimulante intellectuellement », explique Frédérique Leseur, chef du service éducation du Louvre.
« Acteurs de la visite »
L’« autonomie » est le maître mot de la politique menée par l’établissement public en direction des scolaires, un public qui représente 8,5 % des visiteurs dont le nombre total s’élève à 8,4 millions de personnes. Le musée met sur pied une quarantaine de partenariats par an – un partenariat peut concerner une dizaine d’établissements sur un territoire –, en privilégiant les zones culturellement défavorisées. Pour ce, le Louvre va chercher le public qui ne vient pas au musée et monte des opérations dans des classes en zone excentrée, loin des centres culturels. Le service éducatif du Louvre se compose d’une vingtaine de personnes (en charge également des touristes, des partenariats avec les hôpitaux, les prisons…). Le Musée national de la Renaissance, à Écouen, se réclame de la même démarche. « L’enseignant doit être acteur de la visite », souligne Mickaël Caucat, responsable du service des publics. À Écouen (Val-d’Oise), ce sont les conservateurs eux-mêmes, voire le directeur, qui forment les enseignants lors d’une présentation au sein du musée, suivie d’une discussion et de la remise de fiches pédagogiques. Le Château-musée a inscrit son action dans un maillage territorial, en lien avec l’académie de Versailles qui lui communique en amont les programmes scolaires et demandes de formation.
Outre les formations et aides à la visite, le Louvre a innové en publiant ses mallettes pédagogiques à destination des enseignants, avec un guide et des images permettant de travailler en classe. Les propositions des musées envers les scolaires sont donc nombreuses. Mais, quel que soit le dispositif élaboré, comme le souligne Anne-Françoise Lemaître, « ce sont les enseignants qui insufflent l’énergie de départ ».
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La visite scolaire, enjeu de société
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°359 du 16 décembre 2011, avec le titre suivant : La visite scolaire, enjeu de société