Levé sur le pied gauche de la fin de l’hiver, le bois de Verrewinckel s’étire entre les hêtres du côté de chez Soignes.
Vestige d’une chape verte qui couvrait autrefois le Brabant et le nord de la France, la petite forêt regarde Bruxelles pousser sur ses racines. De ses hautes futaies, elle voit monter à sa lisière depuis des décennies d’austères pavillons, quelques maisons blafardes et d’autres chichement pourvues de la commune d’Uccle. Parmi elles, un fortin de béton et de verre dessiné par Corbiau, dont chaque meurtrière est scellée grande ouverte sur la campagne belge.
Construit en l’an 2000 au flanc d’un modeste vallon qui plonge sans filet sur un tapis d’ail des ours, le bunker est une machine à voir. La porte, pourtant de taille fière, paraît une souricière à l’arrière. On la passe comme un œil à travers un œilleton pour se trouver beaucoup plus loin que n’a coutume d’aller notre imagination. En guise de chambre noire, ce cube de béton gris aux murs immaculés crée de belles images.
À l’avant, les fenêtres braquées sur la lumière du jour ont la forêt en profondeur de champ. Elles encadrent sur leur châssis de verre le début du printemps au format paysage ou portrait, selon que l’architecte les a dressées comme des colonnes ou couchées comme des odalisques. Dans cet accord de lignes brutes et froides, les lucarnes laissent la porte ouverte à cette sensualité qui fait glisser la perspective du bois sous la ceinture de la maison. Insérées dans ce tableau comme dans les huiles de la peinture flamande, les fenêtres se transforment en seuils métaphoriques où s’empilent, comme des poupées russes, l’intimité de ce foyer et la jungle attenante où pelotonnent les promeneurs.
À cette adresse de l’avenue des Muses, où vit une éditrice et mécène française, débute un éphémère programme d’expositions. En marge de la foire de Bruxelles s’accomplit le destin de la maison Corbiau dont l’épure funambule est sans cesse tendue entre nature et artefact. La scène locale tout droit sortie du bois, mêlée aux pièces de la collection de Nathalie Guiot, trouve refuge dans un commissariat d’Emmanuel Lambion. Sur les murs de la maison-écran, les œuvres jouent le scénario de Lost in Translation, l’histoire d’une culture perdue dans sa nature. Toutes occupent leur place dans ce foyer d’accueil, à l’exception du poêle de Koenraad Dedobbeleer qui, seul sur la terrasse au-dessous du salon, réchauffe en hâte les hautes frondaisons. Déracinée encore, par la fenêtre qui surplombe Verrewinckel, une plante métallique de Tatiana Trouvé aux branches corsetées, regarde comme un Pinocchio les vrais arbres pousser aux abords de l’été.
Par réservation, jusqu’au 23 mai, à reservation@experienz.org
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La maison Corbiau
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°657 du 1 mai 2013, avec le titre suivant : La maison Corbiau