VENISE / ITALIE
La Chine populaire, Hongkong et Taïwan sont représentés à la 57e Biennale de Venise, témoignant chacun d’enjeux géostratégiques différents.
Venise. La représentation officielle de la République populaire de Chine à la 57e Biennale de Venise témoigne de l’affirmation du caractère profondément singulier de son héritage culturel. À l’inverse, les pavillons hongkongais et taïwanais illustrent la complexité de leur positionnement, tiraillé entre l’expression d’une indépendance artistique par rapport à la Chine continentale et le piège de l’occidentalisation.
L’artiste Qiu Zhijie a été nommé commissaire du pavillon chinois pour la Biennale de Venise de 2017. Le parcours de son exposition, intitulée « Continuum : Generation by Generation » (Continuum, génération après génération), a été conçu autour de l’influence de l’artisanat sur la création contemporaine à travers l’exploration de la notion de « bi xi » (flux permanent). Les œuvres sont placées sous le sceau de la collaboration intergénérationnelle et du cross-cooperative network (« réseau coopératif »). Le recours à une terminologie anglo-saxonne révèle des enjeux de diplomatie culturelle évidents. L’image d’une modernité se construit ainsi dans une continuité idyllique.
Loin de s’inscrire dans une visée globalisante, l’exposition participe à la mise en scène d’une spécificité créative cultivée avec soin depuis 2005, année de l’inauguration du pavillon chinois. Pour cette nouvelle édition de la Biennale, le prêt – par le Musée du palais impérial de Pékin – de deux peintures emblématiques de la dynastie Song met en lumière l’implication de l’une des plus importantes institutions muséales chinoises. Rappelons que l’annonce de la création d’une antenne du musée du palais impérial à Hongkong dans le quartier de West Kowloon avait soulevé des polémiques au sujet de l’extension de l’influence de la Chine continentale.
C’est précisément la politique d’influence culturelle de la Chine continentale sur Hongkong qui se joue également à la Biennale, théâtre d’une intense compétition culturelle. À l’instar de celui de Macao, le pavillon hongkongais n’a pas le privilège de faire partie de la liste des représentations officielles, mais il figure parmi les « Événements collatéraux » depuis 2001. Ainsi, les deux Régions administratives spéciales ont la possibilité de bénéficier d’une représentation artistique distincte de celle de la Chine continentale. Le pavillon hongkongais met en avant l’association entre trois entités : un futur musée d’arts visuels (M ) ; le Hong Kong Arts Development Council (HKADC, conseil créé par le gouvernement pour développer le secteur culturel sur l’île) ; et les autorités du quartier culturel de West Kowloon.
C’est le « sound artiste » Samson Young qui a été choisi pour représenter Hongkong. Le point de départ de cette exposition multimédia repose sur une production de l’industrie musicale développée dans les années 1980 aux États-Unis, objet d’une intense récupération en Asie : les chansons composées à la suite de désastres naturels (charity song). L’exposition de Samson Young joue sur l’ambiguïté des relations avec la Chine continentale. La reproduction en néon flexible d’une phrase d’un discours prononcé en 1957 par Mao et destiné à la jeunesse atteste de son positionnement équivoque : « Le monde est autant le vôtre que le nôtre, mais au fond c’est à vous qu’il appartient. » À ce propos, Samson Young revient sur son intérêt pour la phraséologie du Grand Timonier tout en prenant soin de rappeler qu’il n’est pas maoïste.
Si la présence d’un pavillon hongkongais à la Biennale reste un moyen de valoriser l’importance de Hongkong comme pôle de la modernité culturelle asiatique, cette aspiration est en adéquation avec les objectifs de la politique culturelle chinoise. La présence du secrétaire pour les Affaires intérieures de Hongkong – chantre du rapprochement avec la Chine continentale – au vernissage des pavillons hongkongais puis chinois n’avait donc rien de surprenant. Dans cette lignée, la relance de l’industrie touristique et culturelle comme levier de croissance reste une priorité. Le ministre chinois de la Culture favorise ainsi de nombreux partenariats avec Hongkong grâce à l’implication de Carrie Lam, la nouvelle cheffe de l’exécutif.
En parallèle, on peut aussi s’interroger sur la représentation taïwanaise qui bénéficie, depuis 1995, d’un pavillon alors que l’île n’est plus reconnue par l’ONU depuis 1971. L’artiste performeur Hsieh Tehching a été retenu cette année pour représenter l’île. L’exposition revient largement sur deux performances (Time Clock Piece et Out-Door Piece) réalisées aux États-Unis en 1980-1982. Les nombreuses polémiques soulevées par la nomination de Hsieh Tehching témoignent d’une certitude : Taïwan peut se laisser représenter aujourd’hui par un de ses « fils exilés », celui-là même qui a choisi d’entrer frontalement en lutte contre un idéal de singularité culturelle taïwanaise.
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La Chine à la Biennale de Venise, trois pavillons, trois systèmes ?
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Abonnez-vous dès 1 €Samson Young à la 57e Biennale de Venise - photo : WKDA
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°485 du 22 septembre 2017, avec le titre suivant : La Chine à la Biennale de Venise, trois pavillons, trois systèmes ?