Il a le visage d’un garçon sage, secret, la voix posée des vrais discrets. À l’écouter, son parcours est des plus banals : né à Saint-Étienne en 1964, fils d’une institutrice et d’un ingénieur, Beaux-Arts à Cergy-Pontoise. Il oublie de citer ses résidences à la fondation Cartier et à la villa Médicis de Rome. Discret, donc. Mais voilà, la tête de Jean-Michel Othoniel fourmille d’idées folles réalisées aux quatre coins de la planète : dans les jardins vénitiens de la collection Guggenheim, à Tokyo d’où il rentre à peine, à la Foire de Bâle où il dévoila son bateau aux larmes de cristal.
Dès le 5 décembre, les Hongkongais verront son vertigineux collier de neuf mètres, en verre blanc immaculé, trôner dans la nouvelle boutique Chanel. En 2003, Othoniel épatait déjà la galerie avec sa féerique exposition « Crystal Palace » à la fondation Cartier, et son lit à baldaquin géant au « ciel » affolant de couleurs. Un univers de rêve, de verre et de rubans, de pluie d’or, de fête foraine et de forêt enchantée.
Ressusciter le verre
Trois ans avant, les Parisiens ont vu s’élever, près du Louvre, son Kiosque des noctambules planté en haut du métro Palais-Royal. Une folie de jardin sur bitume urbain. Othoniel fut le plus jeune candidat de ce concours lancé pour l’an 2000. Le plus roué. « La RATP a adoré. J’étais pourtant loin de Paris quand j’ai pensé, depuis la villa Médicis, à cette cachette ouverte et merveilleuse, où l’on se retrouverait à toute heure de la nuit. » Cet automne, on célébrait les 5 ans de cette installation. Aussi « overbooké » soit-il, Othoniel prend le temps. Et c’est en prenant le temps qu’il a découvert le verre. Ce coup de foudre (de soufre…) date de 1990, quand il étudiait… le soufre, sur les îles Éoliennes. Une vulcanologue lui glissa que Lipari était le plus grand producteur de verre d’obsidienne jusqu’à ce qu’une coulée de pierre ponce blanche recouvre l’île. De retour en France, Othoniel n’eut qu’un souhait : ressusciter ce verre disparu. Durant 3 ans, il travailla d’arrache-pied à transformer la pierre blanche en obsidienne noire. Magicien, dites-vous ? Son utopie devint réalité. Le premier verre que ce maître de la couleur et de la transparence sculpta fut, donc, noir et opaque...
Orchestrer les talents
« Ce n’est pas moi qui réalise mes œuvres, mais les maîtres verriers de Murano, les brodeuses de Rochefort, les fondeurs…. Je ne suis qu’un chef d’orchestre. » 200 artisans, dont 80 brodeuses ont ainsi participé à son Crystal Palace. Après avoir travaillé à Madrid, au Mexique, à Amiens, Othoniel se rendra à Bombay pour imaginer avec des artisans locaux une œuvre « populaire ». « Je revendique
ce mot et l’idée de faire dans un musée ce que je fais dans la ville. »
En mars 2006, Emmanuel Perrotin, son galeriste à Paris (où Othoniel vit depuis 2003) dévoilera 100 de ses aquarelles et un livre coréalisé avec Christine Angot, « une amie qui m’a convaincu de montrer cette accumulation de croquis, la base de mon travail. »
Le « musée » compte pour Othoniel : « Sans mes balades au musée de Saint-Étienne, tout gamin, je ne serais jamais devenu artiste. J’ai été conquis par ce fantastique espace de liberté et de rêve. »
1964 Naissance à Saint-Étienne. 1993 Othoniel introduit le verre dans son travail. 1996 Lauréat de la villa Médicis. 2000 Réalisation du Kiosque des noctambules pour la RATP, métro Palais-Royal/Musée du Louvre. 2003 Exposition personnelle à la fondation Cartier « Crystal Palace ». 2005 Son œuvre entre au Louvre dans le cadre des « Contrepoints ».
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Jean-Michel Othoniel
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°575 du 1 décembre 2005, avec le titre suivant : Jean-Michel Othoniel