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ENTRETIEN

Jean-Claude Coutausse : « La couverture de la présidentielle par des photographes s’est écroulée »

Photojournaliste

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 21 mars 2022 - 685 mots

Le photojournaliste regrette l’époque où des indépendants en grand nombre contribuaient à l’effervescence des campagnes.

Jean-Claude Coutausse (62 ans) a couvert toutes les campagnes présidentielles depuis 1988. D’abord pour le quotidien Libération puis pour Le Monde avec lequel il a signé à nouveau un contrat d’exclusivité pour la campagne 2022. Accrédité à l’Élysée, le photographe accompagne par ailleurs Emmanuel Macron dans ses déplacements depuis son élection en 2017. Il a suivi plus particulièrement les candidats Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Christiane Taubira avant qu’Emmanuel Macron ne se déclare candidat à un second mandat. Son blog, « Bains de foule », relaie régulièrement la campagne présidentielle qu’il commente ici.

En quoi cette campagne présidentielle se distingue-t-elle des précédentes ?

C’est une campagne un peu triste, sans grand rassemblement. Tout est réduit et le contexte politique est peu passionnant. Aujourd’hui une campagne présidentielle ne se joue plus dans les meetings, mais plutôt sur des plateaux de télévision et sur Internet. Les déplacements d’Anne Hidalgo, que je suis, n’ont rien à voir avec les déplacements d’un candidat socialiste qui se sont parfois apparentés, jusqu’à François Hollande, à ceux d’une rock star avec camions, logistique, militants et des politiques locaux qui suivaient. Ce qui est frappant aussi, c’est le manque d’intérêt des gens dans la rue.

Couvrir une campagne présidentielle en 2022 suppose-t-il de travailler autrement ?

Absolument. Auparavant on n’avait pas besoin d’être accrédité : on rentrait, on allait où l’on voulait. Les attentats et la crise sanitaire ont changé la donne. Mais ce sont surtout les règles imposées par les services de communication, avec des espaces et des temps de plus en plus réduits pour la prise de vue, qui limitent la possibilité de construire une histoire, de faire des pas de côté ou de s’intéresser aux détails. J’y parviens, et j’y tiens, car réaliser des images au garde-à-vous ne donne jamais de bonnes photos. La tendance actuelle est à une caméra qui filme pour l’ensemble des chaînes de télévision. Ces dernières ont perdu beaucoup plus de terrain que nous car elles acceptent qu’on leur fournisse des images réalisées et produites par les candidats, alors que chez les photographes il y a encore une pluralité bien que nous soyons de moins en moins nombreux. Je me souviens d’un temps pas si lointain où le candidat rentrait sur scène sous les flashs. Notre présence participait à accroître l’effervescence. Aujourd’hui la couverture de la présidentielle par des photographes s’est écroulée. Il n’y a plus que ceux qui sont accrédités par des quotidiens ou qui travaillent pour l’AFP ou [l’agence] Reuters. Le temps des photographes indépendants, qui produisaient et proposaient leurs images aux agences ou aux journaux, est révolu. Il faut dire que les accréditations se sont aussi fortement réduites.

Est-ce à dire qu’il n’est plus possible pour un photographe d’avoir la liberté qu’a eue Depardon avec Valéry Giscard d’Estaing, Bettina Rheims avec Jacques Chirac ou vous-même avec François Hollande ?

Absolument impossible. Pour Macron, la seule porte ouverte l’a été pour l’agence Bestimage de Mimi Marchand, du moins jusqu’à peu car elle semble être tombée en disgrâce.

Qui est le candidat le moins accessible dans cette campagne ?

Cela pourrait être, comme en 2017, Emmanuel Macron, pour des raisons de sécurité. Il y a eu une volonté au début du quinquennat, surtout de la part de sa première équipe de communication, de nous exclure au bénéfice des photographes officiels, y compris durant la campagne de 2017. Les relations sont devenues bien meilleures après le départ de Sibeth Ndiaye et de Sylvain Fort [ancienne conseillère en communication puis porte-parole du gouvernement et ancien conseiller en communication]. Je fais partie des cinq, six photographes de l’Élysée qui n’ont pas jeté l’éponge. Seuls les photographes officiels ou accrédités peuvent l’approcher. Aujourd’hui on se retrouve, les meilleurs jours, à dix photographes dans la cour de l’Élysée. La politique demeure toutefois encore l’endroit où l’on a affaire à des gens courtois bien que certains communicants aimeraient bien prendre exemple sur ceux du foot ou du show-biz. Mes copains me disent que couvrir l’actualité de l’un ou l’autre de ces deux secteurs est dix fois plus dur.

Jean-Claude Coutausse, Autoportrait réalisé au Palais de l'Elysée en janvier 2015. © Jean-Claude Coutausse
Jean-Claude Coutausse, Autoportrait réalisé au Palais de l'Elysée en janvier 2015.
© Jean-Claude Coutausse

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°585 du 18 mars 2022, avec le titre suivant : Jean-Claude Coutausse, photojournaliste : « La couverture de la présidentielle par des photographes s’est écroulée »

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