Organisée dans le cadre de la capitale européenne de la culture 2008, la Biennale d’art contemporain de Liverpool propose cette année d’explorer l’imaginaire des artistes n Avec une certaine réussite.
“Made up” est une célébration des voies qu’empruntent les artistes pour utiliser l’imagination, pose en préambule Lewis Biggs, le directeur artistique de la Biennale de Liverpool 2008. [La Biennale] aurait pu s’appeler “au-delà du documentaire” ou “au-delà du ready-made”. […] Je voulais une exposition d’œuvres d’artistes pour lesquels la passion était évidente, qui avaient quelque chose à dire pour eux-mêmes, dont la position est profondément ressentie ; qui nous donne quelque chose d’inattendu — en bref, des artistes qui ont créé quelque chose de nouveau. » Du neuf, il y en a effectivement à Liverpool, puisque l’ensemble des pièces des quarante artistes invités sont exposées ici pour la première fois. Nombre d’entre elles ont même fait l’objet d’une commande spéciale. Il en est ainsi de La dernière Séance, grande installation
d’Annette Messager dans l’ancien cinéma ABC. Fidèle à ses créations récentes, l’artiste a recouvert les sièges de la salle d’un grand voile de soie flottant, tandis que planisphères et squelette s’agitent sur scène. En face, dans une salle du pub The Vines, Gabriel Lester embarque le visiteur dans un voyage enfumé, quand les émanations de cigarettes dans une carlingue se confondent avec les nuages dans le ciel. Les commissaires de la Biennale ont conçu un périple dans la ville, la manifestation se déployant sur une douzaine de lieux, à la fois centres d’art et musées, mais aussi magasins ou directement dans l’espace public. Aussi, l’Italien Manfredi Beninati propose-t-il une étrange mise en abîme. Sur la devanture d’une boutique abandonnée recouverte par un affichage sauvage, une image attire, celle d’un père et de son enfant dans un living-room. En s’approchant de plus près, le curieux découvre, à travers un pan de vitrine laissé vierge, l’intérieur de la boutique qui n’est autre que ce salon abandonné par ses protagonistes. L’enfant a déserté ses jouets et le père a quitté son journal qu’il a négligemment laissé sur le sol. Ici encore, la fiction est reine. Plus loin, le visiteur se sent comme saisi d’une hallucination : sur un terre-plein, trois arbres tournent ostensiblement sur eux-mêmes ! Répondant au doux nom de Arbores Laetae, cette œuvre est la dernière création de Diller Scofidio Renfro, touches à tout qui interviennent aussi bien dans les domaines de l’architecture, des arts visuels, de la performance, des nouveaux médias, que… du jardinage. Leur création trouve à Liverpool un écho involontaire dans l’attraction mise en place par Leandro Erlich. L’artiste, qui vit entre l’Argentine et la France, propose ici une étrange maison-manège. Le visiteur peut passer de pièce en pièce, de la salle de bains à la cuisine et au salon. Confortablement installé dans un canapé, il peut même s’offrir un tour de manège. Amusante sur le papier, cette pièce qui a demandé une débauche de moyens, n’a pourtant ni l’efficacité ni la poésie de la piscine installée depuis 2004 au centre du 21st Century Art Museum de Kanazawa, au Japon. Originaire de ce dernier pays, Yoyoi Kusama présente à côté un cube dans lequel le visiteur est invité à pénétrer pour se plonger dans une atmosphère colorée où l’on perd tout repère. Si la magie fonctionne toujours, l’artiste semble devenue en quelques années la tarte à la crème des biennales.
Thématique illusionniste
Le jeu sur les illusions, thématique centrale de cette édition de la Biennale de Liverpool, trouve peut-être sa plus belle expression dans le film délicat et dérangeant que propose Omer Fast à la Tate Liverpool. Take a deep breath se plaît à brouiller les frontières entre fiction et réalité en mettant en scène un kamikaze venant d’effectuer un attentat suicide. Le film, remarquablement produit, pourrait s’apparenter à un court-métrage, n’était-ce le mode de projection sur deux écrans. Il demeure à n’en pas douter l’une des pièces maîtresses de la biennale et se situe à des années lumière de la vidéo bavarde et emphatique de Teresa Hubbard et Alexander Birchler projetée dans une salle à proximité.
Du paysage pavé de miroirs de David Altmejd à l’araignée de Ai Weiwei ou à la grande installation hétéroclite de Sarah Sze, des dessins de Roman Ondák à ceux du Royal Art Lodge, cette édition particulièrement réussie offre, au-delà des pratiques et des partis pris esthétiques, une réelle immersion dans l’imaginaire.
- Directeur artistique : Lewis Biggs
- Nombre d’artistes : 40
- Nombre de lieux : 13
Jusqu’au 30 novembre, divers lieux dans la ville, Liverpool, tél. 44 151 709 7444, www.biennial.com
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Imagine
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Le 25e prix John Moores de peinture contemporaine a été décerné à Liverpool le 18 septembre à Peter MacDonald’s pour son œuvre Fontana, un clin d’œil au travail de l’Italien Lucio Fontana. Décerné pour la première fois il y a cinquante ans, cette distinction, le plus important prix de peinture de Grande-Bretagne, a été autrefois attribuée à des artistes tels que David Hockney, Richard Hamilton et Peter Doig. Parallèlement à l’exposition des tableaux ayant concouru cette année, pleine d’enseignement, la Walker Art Gallery présente une sélection d’œuvres lauréates au cours de l’histoire du prix et entrées depuis dans ses collections permanentes.
Walker Art Gallery, William Brown Street, Liverpool, www.liverpoolmuseums.org.uk/walker. Jusqu’au 4 janvier 2009.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°288 du 3 octobre 2008, avec le titre suivant : Imagine