MOSCOU / RUSSIE
Portait en quelques dates d’Ilya Khrzhanovsky, le sulfureux réalisateur du très conversé « DAU ».
1975 Ilya Khrzhanovsky naît à Moscou dans une famille juive sensible aux arts et à la culture : son grand-père était peintre et acteur, et son père, Andreï Khrzhanovsky, a fait une longue carrière dans le cinéma d’animation.Dans une Russie en pleine libéralisation, l’enfant de la balle intègre l’Institut national de la cinématographie Shahzad Abdul Guerassimov (VGIK), dont il est diplômé en 1998. Il réalise l’année suivante un court-métrage, Ostanovka.
2004 Ilya Khrzhanovsky réalise son premier long-métrage, intitulé 4. Coécrit avec l’écrivain Vladimir Sorokine, le film obtient ex æquo le Tigre d’or au festival international du film d’Amsterdam en 2005, ce qui permet au réalisateur de s’atteler dans la foulée à « DAU », un projet de biopic du scientifique russe Lev Landau, dont la carrière et les frasques sexuelles le fascinent. Il crée aussi sa propre société de production, Phenomen films, et produit notamment Bed Stories de Kirill Serebrennikov. La société ouvrira diverses filiales en Angleterre et en Allemagne, puis en France. Phenomen Trust, la fondation qui soutient DAU, voit aussi le jour en 2015. À sa tête, le magnat des télécommunications Sergueï Adoniev.
2009 Nanti d’un budget pléthorique et régulièrement annoncé comme le film le plus attendu de l’année, DAU tarde pourtant à voir le jour. Il faut dire qu’Ilya Khrzhanovsky l’oriente bientôt vers une reconstitution de l’Institut où Lev Landau a conduit ses recherches. Pendant deux ans, il fait converger à Kharkiv (Ukraine) plus de 400 acteurs non professionnels, dont nombre d’artistes et de chercheurs. Le réalisateur plie tout ce microcosme à une discipline rigoureuse, et donne au tournage des allures d’expérience de psychologie sociale. De quoi lui tailler la réputation, au gré d’articles de presse, d’un maître du jeu malsain, aussi foutraque que manipulateur. De la reconstitution, sortira non pas un long-métrage, mais treize, et plus de 700 heures filmées par les nombreuses caméras disséminées dans l’Institut.
2018 Pour diffuser l’ensemble, le circuit classique de distribution en salles de cinéma ne saurait convenir au projet pharaonique : l’équipe de DAU projette un triple événement à Berlin, Paris et Londres. La première mondiale doit avoir lieu dans la capitale allemande en octobre 2018, et prévoit notamment la reconstruction du mur de Berlin. La proposition scandalise et c’est finalement Paris qui est choisie.
2019 La manifestation ouvre à Paris le 24 janvier, non sans couacs ni sérieux doutes quant à la validité artistique du projet : la préfecture tarde à donner son autorisation ; seuls deux lieux sur trois sont accessibles au public ; et les « dau-phones » censés guider les visiteurs sont introuvables. Visiblement dépassé par l’organisation, le « système DAU » s’est heurté à ses propres limites et Ilya Khrzhanovsky a cessé d’être maître du jeu.
Mais avant même l’ouverture au public de DAU dans la confusion, le retentissement médiatique de cet ovni culturel avait fait de son orchestrateur l’homme controversé du moment. Le personnage allie à peu près tout ce qu’il faut pour éveiller la curiosité et le soupçon : une ambition folle, une capacité à embarquer artistes et scientifiques de renom, une moralité douteuse et de solides appuis financiers. Tout, à part peut-être l’envergure d’un réalisateur d’exception, puisque sa filmographie était jusqu’à présent plutôt confidentielle.
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Ilya Khrzhanovsky : démiurge ou gourou manipulateur, le réalisateur divise
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°516 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Ilya Khrzhanovsky : démiurge ou gourou manipulateur, le réalisateur divise